Casques et coeurs: un road trip dans l’Issan, le nord-est de la Thaïlande
L’Issan, c’est loin! Mais peu importe, on a tout le temps à notre disposition. Lorsque j’ai soumis mon idée à Hanna, une jeune allemande pleine d’énergie, elle a tout de suite adhéré: « On part quand »? Sac à dos bien ficelés à l’arrière de nos scooters, habits couvrants pour ne pas brûler au soleil, masques, lunettes, casques et nous y voilà: quelques jours après, sur la route déjà.
Notre plan? Pas de plan. Il n’y aura que quelques contraintes à respecter: atteindre Udon Thani le 19 mars au plus tard, et être de retour à Chiang Mai le 25 du même mois. Cela nous laisse quinze jours pour arpenter la vaste région.
Avertissement: Ce voyage a eu lieu en 2011. Cet article regroupe toute une série de billets publiés au cours de l’année, afin d’en faciliter la lecture. Les commentaires ont été conservés.
Un road trip en Issan, en pratique
Cet article est le carnet de voyage d’un road trip un peu fou à scooter, à travers l’Issan. J’ai regroupé toutes les informations pratiques dans l’article Road trip en Issan: le nord-est de la Thaïlande en pratique: vous y découvrirez l’itinéraire en détails, des adresses et des idées de visite.
Hanna et moi, on est sur la même longueur d’onde: tranquilles, voire insouciantes. La première journée est à notre image. Après un bon dîner, on décide aléatoirement qu’il est l’heure de se mettre en route et que l’on s’arrêtera à Lampang, au sud de Chiang Mai. Mais avant ça: café, snacks et faire le plein, quand même.
Le trajet vers notre première destination se déroule sans encombres. Nous traversons Lamphun, qui me fait penser à une Chiang Mai miniature, avec son canal, ses vieux murs et ses magnifiques temples. Pour l’instant, le paysage n’est pas des plus épatants, c’est beaucoup d’autoroute…
Echouées à Lampang: 4 bahts pour votre cafard, madame!
Arrivées à Lampang, il nous faut trouver un logement. Nous quadrillons la ville, qui se révèle bien plus imposante que ce que nous pensions. Difficile! Au bout d’une heure, nous nous arrêtons près d’une bâtisse qui porte un grand écriteau « Home Sweet Home ».
Mais il ne s’agit pas d’une auberge. La propriétaire nous explique qu’elle est professeur de chinois pour enfants, et qu’elle vit désormais avec son fils, son mari les ayant quittés deux ans auparavant. Celui-là participe à la conversation, visiblement intrigué. Lorsque la mère tente de m’indiquer, tant bien que mal, une direction pour trouver un logement, le fils propose de nous guider: il enfourche sa moto vintage et, cheveux au vent, il nous dépose à un hôtel. Il nous demande d’où nous venons, nous recommande deux ou trois choses à voir à Lampang et nous quitte timidement.
Bon, c’est 650 bahts (environ 18€) pour la chambre la moins chère! Voilà qui exploserait notre budget dès le premier jour. Décontenancées, mais pas démotivées, on repart pour un tour. Et là, une petit écriteau jaune qui ne paie pas de mine: « Hotel ». La dame à la réception nous demande 204 bahts (environ 6€) pour une chambre double. Une aubaine! Je laisse Hanna visiter la pièce: tout a l’air en ordre. Sauf qu’on nous en donnera une autre, ensuite. Accueillies par un immense cafard (que nous pourchasserons plus tard) et par une propreté globale vraiment douteuse, nous partageons des histoires sur les maladies liées à la saleté. On relativise, on a vu bien pire… Et pour ma part, ce n’était pas en Asie. Tentez un train couchette de Milan à Naples, si vous l’osez!
Nos affaires déposées, on file à la recherche d’un peu d’action et de nourriture. On s’arrête manger au Riverside, à l’ambiance romantique mais un peu tristounette, et puis on se dirige vers les bars. Il a l’air d’y avoir de quoi faire, mais ils ont tous l’air d’être vraiment très (trop) calmes à notre goût. Peu importe, nous avons assez à nous raconter.
Après un bon verre de Sangsom (le rhum local, que les thaïs prétendent être du whisky, mais qui ne goûte ni l’un, ni l’autre), nous regagnons nos pénates temporaires: demain, il faudra aller encore plus loin.
Les dessous d’Udon Thani
850 kilomètres au compteur plus tard, après avoir séjourné à Uttaradit et Loei (délicieuse, en passant), nous atteignons notre halte majeure: Udon Thani. Elle nous servira de base pour aller nous perdre dans l’Issan profond.
Au soir, le Night Bazaar nous offre mille délices: on mange pour quatre. Puis nous décidons d’aller prendre un verre. Il ne faudra cependant pas rentrer trop tard car, le lendemain, Hanna doit se rendre à Vientiane, à la frontière laotienne, afin de renouveler son visa thaïlandais.
J’appelle une copine originaire d’Udon Thani pour qu’elle nous recommande quelques lieux où sortir. Elle désigne un bar nommé Mr. Tong. Il paraît qu’il y a toujours du monde là-bas, que c’est très in. Et ça tombe bien: c’est juste à côté de notre hôtel.
Sur le chemin, moult hommes blancs d’un certain âge, plutôt bien accompagnés, se pressent dans les dédales d’un petit quartier nommé Nutty Park avec un logo plutôt évocateur: un cercle en feu. Hanna est curieuse et moi, je ne connais déjà que trop bien: je suis un peu mal à l’aise.
Les filles nous interpellent: j’imagine qu’elles préféreraient notre pourboire à celui de certains de leurs compagnons de fortune. Cinq minutes plus tard on est déjà dehors et on aperçoit le Mr. Tong. Ce n’est pas beaucoup mieux: on dirait la même espèce d’hommes, mais version jeune. C’est bondé et les jeunes femmes se trémoussent et se frottent de façon vraiment surfaite: on repassera (ou pas).
Nous errons longuement, jusqu’à atterrir dans un bar où l’on passe du foot (on aime mieux ces boules là, finalement). Allez, c’est parti pour une bière. Et là, j’ai un crush immédiat pour un jeune homme derrière le bar… Crush qui a l’air partagé. Un manège évident de serveuses s’organise autour de notre table: qui vient échanger quelques mots, qui quelques compliments, et qui trinquer: nous sommes le centre de l’attention.
Quelques bières et quelques heures plus tard, les gens de la table d’à côté décident d’entamer une conversation. Le serveur mignon essaie un sourire timide, auquel je réponds à peine. C’est qu’après le spectacle du Nutty Park de ce soir, je suis encore mal à l’aise. Mais l’ami de la table d’à côté brise la glace: il appelle le serveur (apparemment son frère), lui prend son portable et me le tend: « Mon frère, Jok, t’aime bien, tu veux bien lui donner ton numéro?’ » Jok a l’air tout confus: il sourit et s’éclipse. Et moi je pianote mon numéro, pourquoi pas? Tout le monde exulte et trinque, ravi. Jok récupère son téléphone les yeux au sol avec un sourire au coin des lèvres et retourne au bar. Cinq minutes plus tard, je reçois un appel manqué.
Hanna et moi rentrons sagement à notre hôtel et, à six heures du matin, elle enfourchera seule son scooter en direction de Nong Khai. Là-bas, elle traversera la frontière en bus pour atteindre Vientiane, au Laos, et effectuer ses démarches administratives. Cela prendra deux jours: me voilà seule aux mains d’Udon Thani.
Le lendemain matin, je pars en quête de mon petit-déjeuner: j’ai envie de quelque chose de sucré que les marchés surabondants ne sauront pas m’offrir: les thaïlandais déjeunent salé.
Je m’arrête au Wawee Coffee du coin: c’est un peu le Starbucks de Thaïlande. Je me fais servir un délicieux café et une tarte au chocolat. Après quoi je prends mon courage à deux mains et j’appelle Jok. Petit problème: il ne parle pas un mot d’anglais, et mon thaï reste très limité. On parvient tout de même à discuter pendant une trentaine de minutes.
Mais j’ai du mal à me faire comprendre: j’aimerais passer l’après-midi avec lui. Un peu à bout de patience, j’appelle le serveur du Wawee à l’aide qui parle très bien l’anglais, entre autres. Un sourire complice aux lèvres, il se plie au jeu et me fixe un rendez-vous: Jok va arriver dans une heure. Je trépigne.
« Serais-tu tombée amoureuse? » me demande-t-il.
Je ne peux pas en dire autant. Il prend un air grave.
« Mais il te plaît, n’est-ce pas? » Evidemment! Tous les clients du café ont tendu l’oreille: ils me sourient, chuchotent entre eux et ont l’air d’avoir vu passer une colonie de bisounours. Ici, les choses les plus simples semblent parfois se transformer en performances collectives.
Une heure s’écoule et pas de trace de Jok. Je me demande si tout cela n’était pas une idée de son frère. Un peu énervée, je me reprends rapidement: c’est très thaï de ne pas se pointer ou de se faire attendre… Et puis, l’enjeu n’est pas très grand: je ne le connais même pas. Je ne vais pas attendre plus longtemps, alors je pars en balade dans les très beaux parcs de la ville, Nong Bua et Prajak.
Le soir, vers vingt heures, je reçois un message en anglais. Apparemment, le frère de Jok assure les traductions. « Pourquoi ne viens-tu pas? Tu me manques. Est-ce que je te manque? » Je réponds que j’ai envie de le voir, et lui demande de m’appeler quand il aura terminé son travail.
À trois heures du matin, le téléphone sonne et je réceptionne. On se donne rendez-vous: il vient me chercher et m’emmène à son bar, où ses amis et collaborateurs dînent et boivent dans une ambiance bon enfant. Il me présente à tout le monde, me fait une place à la table et s’éclipse pour terminer son travail.
Tout le monde parle bien l’anglais et me pose mille questions: je m’amuse de ce grand hasard, mais où est Jok? De temps en temps, il vient s’asseoir à côté de moi, toujours aussi timide, son épaule et sa cuisse légèrement contre les miennes: on se donne mutuellement à boire.
Vers cinq heures, tout le monde s’en va: qui saoul, qui fatigué. Le frère de Jok me demande de prendre soin de lui. C’est plutôt Jok qui prendra soin de moi: il me raccompagne à mon hôtel. Nous nous souhaitons discrètement bonne nuit discrètement et il repart.
Le lendemain, je me félicite que ça n’ait pas été plus loin. Je vais quitter la ville aussitôt que Hanna sera de retour: pas la peine de briser deux coeurs en passant des vitesses inutiles… Sans parler de la barrière linguistique vraiment intense. J’imagine que pour Jok, c’est le même sentiment: la communication cessera là. Maintenant, me voilà vraiment seule aux mains d’Udon Thani… Mais plus pour très longtemps.
À la nuit tombée, j’appelle Hanna pour savoir si tout va bien. Quelle surprise lorsqu’elle m’annonce qu’elle est hospitalisée à Nong Khai! J’enfourche mon vaillant et fidèle scooter et trace les cinquante-cinq kilomètres qui nous séparent.
Nong Khai, mais avec un bras cassé
À Nong Khai, je trouve facilement l’hôpital. L’établissement est un labyrinthe, mais je réussis à me frayer un chemin vers la chambre où se trouve Hanna. Elle m’accueille le sourire aux lèvres, malgré tout.
Il a plu dans le nord, la route était glissante. Elle a freiné d’un coup sec pour s’arrêter à un feu rouge aperçu un peu trop tard. Personne d’autre n’a été impliqué dans l’accident, heureusement.
Les infirmières s’apprêtent à la déplacer dans la chambre opératoire, mais on ne sait pas trop pourquoi. Peut-être pour lui remettre l’épaule en place. On ne s’inquiète pas vraiment, c’est un peu toujours comme ça en Thaïlande: c’est le résultat qui compte et au vu de la qualité des soins reçus dans le passé, nous nous sentons entre de bonnes mains.
Deux heures plus tard, elle est déjà à nouveau dans son lit et semble avoir bien récupéré de sa narcose. Je la laisse à contre-coeur pour regagner Udon Thani afin de récupérer nos affaires, histoire de les amener à Nong Khai et ainsi passer les prochains jours à son chevet.
Dans le nord, la température a chuté de vingt degrés après l’orage. On n’avait pas prévu cette anormalité. Le lendemain, je regagne donc Nong Khai avec trois couches d’habits supplémentaires sur moi. On a bien pris soin d’Hanna à l’hôpital et elle est prête à sortir. La douleur est forte cependant, et le moral assez bas.
Je trouve une jolie guesthouse à quelques pas de l’hôpital, parfaite pour quelques jours de convalescence. Mut Mee est posée sur la rive thaïlandaise du Mékong, dans un cadre absolument idyllique. La chambre est jolie et confortable. Le personnel nous fournit en couvertures supplémentaires.
Sur la terrasse se trouvent de petits foyers de charbon autour desquels tous les invités se tassent. Hanna et moi nous remémorons les aventures marquantes de notre parcours jusqu’ici: presque mille kilomètres, tout de même! Notamment la traversée des rizières, où un village tout entier semblait sortir d’un temple, en danse, presque en transe. Vieillards, enfants, ladyboys: tout le monde en joie et en couleurs. On nous y arrosées de bière, abreuvées à même notre véhicule. On nous touchait les mains, les bras, on essayait de nous retenir, on nous prenait en photo comme si l’on avait personnifié un bon augure.
À Nong Khai, rien de tout cela. La guesthouse est peuplée de touristes, et le personnel n’est pas thaïlandais: il y a beaucoup de personnes âgées, des routards pour la plupart, qui se racontent leurs expériences. Le cadre est calme, comme une bulle au milieu de la tempête. Nous nous éclipsons quelques jours à l’intérieur et essayons d’oublier la pluie et le froid, au moins jusqu’à ce que vienne le temps de repartir.
Nous renvoyons le scooter de Hanna par la poste, à Chiang Mai: gros colis! Elle prendra le bus du retour le lendemain. Quant à moi, je me remettrai sur la route, seule.
Sakhon Nakhon: rencontre avec Mister Tum
Comme à chaque soir, j’entre à Sakon Nakhon, une nouvelle ville, avec un brin d’appréhension. La recherche de logement sur le tas n’est pas si difficile en Thaïlande, mais ma première nuit en la charmante compagnie des cafards a teinté d’un brin d’amertume le reste du séjour.
Je demande de l’aide à une restauratrice du coin. Elle envoie son fils pour me guider. Ce n’est pas la première fois qu’on m’escorte vaillamment de la sorte alors je suis à l’aise. Il m’emmène dans un hôtel spacieux, aux chambres énormes. Bien que le prix dépasse mon budget habituel, je n’ai pas l’énergie de courir la ville ce soir-là.
À la réception, Mister Tum, un gaillard jovial et enthousiaste qui semble avoir la cinquantaine bien qu’il aime à prétendre n’avoir que quarante ans. Il ne parle pas un mot d’anglais mais, grâce à mes progrès, j’arrive à me faire expliquer où se trouve le marché (que je ne trouverai malheureusement jamais). Peu importe, un boui-boui bondé de thaïlandais attire mon estomac et se révèle être un excellent choix.
Repue, je regagne mes pénates temporaires et suis accueillie par Mr. Tum, qui se lance dans la conversation. Je bricole mes phrases comme je peux, j’utilise le calendrier et je torture ma mémoire: ça passe, on se comprend! Il me demande si j’aime boire et j’acquiesce: une bière ne me ferait pas de mal. L’oeil brillant, il m’indique le magasin juste en face, où je me procure nos boissons pour la soirée.
Mr. Tum me raconte qu’il se sent très seul: il n’est pas marié, et il n’a pas d’amis. Il avait une copine, il y a deux ans, mais ils se sont séparés. Depuis, il a déménagé et s’est lancé dans deux boulots à la fois: manager de l’hôtel, et propriétaire d’un petit magasin: celui d’en face! Dès qu’il finit avec l’un, il commence avec l’autre. Du coup, il ne rencontre jamais personne. Il aime sortir, boire un verre, s’amuser… Mais même manger est devenu une sorte de plaie: pas drôle, quand on est tout seul! Alors il ne fait plus rien.
Je lui raconte ce que je fais, mon travail, mes voyages, ma petite parenthèse de vie en Thaïlande… Impressionné de voir une fille voyager toute seule mais aussi s’amuser au travail, il est d’abord enthousiaste, puis une lueur de dépit passe dans son regard: il considère mon célibat. « Jeune fille, tu as 27 ans et tu n’es pas mariée. Tu voyages partout: c’est normal. » Car qui voudrait d’une compagne qui s’en va sans arrêt? À l’écouter, je vais finir comme lui, Mr. Tum, qui à quarante ans est tout seul, sans femme, sans enfants et plutôt désespéré.
« Les filles thaï, elles aiment les étrangers, elles aiment les jeunes, elles aiment les hommes qui ont de l’argent. » déplore-t-il. Mister Tum se trouve ennuyeux. Il me demande si le lendemain je veux bien l’aider à teindre ses cheveux pour masquer le trop de blanc qui le laisse paraître trop vieux.
Mr. Tum déteste sa peau: noire! « Toi tu as de la chance, jeune fille, le blanc, c’est beau! C’est ça que les gens aiment par ici. » Mr. Tum est persuadé qu’il n’a plus aucune chance dans la vie. Mais il y a des gens dehors et dedans qui s’en fichent de la couleur de ta peau, Mr. Tum. Le noir, c’est beau, tout comme le blanc dans tes cheveux. Ces gens ne te méritent pas.
Vient l’heure d’aller se coucher et Mr. Tum m’annonce que je vais lui manquer. Il a apprécié boire une bière et grignoter quelque chose en compagnie: ça faisait longtemps. Il essaie de me convaincre de rester à Sakhon Nakhon: le lendemain, il aimerait m’emmener voir la ville et prendre un verre. Il me propose de me cuisiner un laab, chez lui. Il précise que je ne dois pas m’inquiéter: il est bien trop vieux pour moi de toute manière. Mais je suis son amie désormais, sa seule amie.
Quand je serai repartie, il se retrouvera à nouveau seul. « Tu vas te faire de nouveaux amis dans chaque ville: Mr. Tum ne va pas te manquer », me dit-il. Il pointe du doigt mon téléphone, et me dit que ça ne servirait à rien de rester en contact: « Que nous dirions-nous? Comment vas-tu? As-ti déjà mangé? Tu me manques, point. »
Le lendemain, je m’éclipse, en silence. J’ai un pincement au coeur pour Mr. Tum, qui n’aura pas pu me cuisiner un délicieux plat, ni se faire teindre les cheveux, mais ma place n’est pas ici.
Khon Kaen, Phitsanulok et Sukothaï: kilomètres, introspection et panne sèche dans la jungle
Je roule, je roule, je roule comme une désespérée… Jusqu’à Khon Kaen où je m’arrête pour la nuit. Un tour au Night Bazaar, où je déguste le meilleur yam woon sen (une salade de nouilles épicée) qu’il m’ait été donné de goûter, un peu de shopping pour me détendre, et au lit.
Le lendemain, il me faudra aligner 370 kilomètres de plus pour atteindre Phitsanulok. Je suis encore plus épuisée qu’avant: je n’avais jamais roulé autant en une journée. Mais sur le chemin, c’est l’évasion: autour de Lom Sak, la région regorge de parcs nationaux et je m’en rince les yeux. Je me fraie un chemin entre les panneaux « attention, traversée d’éléphants », au milieu de ce qui semble être nulle part… Et soudain, le scooter ralentit et s’arrête: c’est la panne sèche! Je descends et je commence à pousser. Deux adolescents dans un terrain vague se moquent de moi. Heureusement, ils sont un signe que je me rapproche de la civilisation.
Deux dames d’un certain âge, apparues comme par magie, s’arrêtent pour m’aider. Cinq minutes plus tard, un vaillant jeune homme qui passait par là me propose de me fournir en essence: « Attends-moi là, je reviens »! Et le voilà avec deux bouteilles de liqueur pleines du précieux liquide. Je lui tends cent bahts, mais il refuse « Je veux juste t’aider »! J’insiste, mais rien à faire.
Je reprends ma route vers Phitsanulok. Le soleil se couche lentement sur les rondes collines: 1’000 kilomètres, juste pour cette vue là, je peux garantir que ça en vaut la peine. Emue, j’atteins la ville à la nuit tombée. Sur le chemin, mille papillons de nuit viennent s’écraser sur mes lunettes et mes habits: plus désagréables que la pluie.
Je ne vais pas pouvoir profiter de mon séjour à Phitsanulok. Je dois être de retour à Chiang Mai afin d’assister à un mariage thaï. Mais un petit tour de nuit me confirme que la ville est magnifique et que j’y reviendrai, un jour. Alors, un bon geng kiaow wan (curry vert) au bord de la rivière Nan et hop, au lit.
Le lendemain, on fera court: cinquante kilomètres vers Sukhothai, la capitale historique de Thaïlande. Je vais m’y reposer avant les dernières 320 bornes qui me séparent de ma maison temporaire, à Chiang Mai. Je ne trouverai pas l’énergie d’aller visiter: les bouddhas feront sans moi. Je prends un repas rapide et je m’affale sur la terrasse de ma guesthouse, où tous les voyageurs sont plongés dans leurs activités digitales. Après toutes ses étapes, je m’y sens complètement décalée et pas à ma place.
Le lendemain, je me hâte vers ma destination finale, de la musique plein les oreilles. C’est encore un peu le désert, sur la route… Je risque une autre panne sèche, mais je rencontre juste à temps un couple de vieillards assis entre leurs bouteilles d’essence. J’achète juste ce qu’il faut jusqu’à la prochaine pompe à essence.
Un peu plus loin, plusieurs panneaux « fresh coffee » attirent mon attention, près de Den Chai. Il s’agit d’artisans du bois qui arrondissent leurs fins de mois grâce aux routiers en manque d’énergie. Je prends un espresso en compagnie d’une petite famille dont le père, enthousiaste, me propose d’essayer sa dernière création: une impressionnante chaise à bascule en bois massif.
Et puis, c’est la dernière ligne droite. Les bornes kilométriques m’accompagnent et je trépide… 80, 70, 30… Chiang Mai! De retour à la maison, enfin.
Un road trip en Issan, en pratique
Vous avez aussi envie de vous aventurer en road trip dans le nord-est de la Thaïlande et ses rizières? J’ai regroupé toutes les informations pratiques dans l’article Road trip en Issan: le nord-est de la Thaïlande en pratique: vous y découvrirez l’itinéraire en détails, des adresses et des idées de visite.
Aller plus loin…
- Découvrez le récit du fameux mariage thaïlandais auquel j’ai assisté après le road trip
- Vous aimez la route? Vous aimerez certainement le road trip sur la boucle de Mae Hong Son!
- Et si vous partez, comme moi, de la capitale du nord, ne manquez pas mon guide complet de Chiang Mai, blindé de bonnes adresses!
- Finalement, ne manquez pas tous mes récits, guides et informations pratiques sur la Thaïlande.
Par Corinne Stoppelli
Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?
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(26 commentaires)
Que de plaisir de te lire, encore une fois.
Ça fait voyager, merci =), hâte de lire la suite de cette aventure en 2roues !
He bien ça fait plaisir de savoir ou tu es, surtout quand c’est en pleine aventure !
Merci pour le partage ;) cela donne vraiment envie de repartir :s
Faites attention a vous et profitez bien!
Je n’ai jamais compris non plus pourquoi le Sang Som était présenté pour du whysky.
Il suffit de gouter pour comprendre :)
Bon courage pour la suite du voyage !
L’Issan a des airs de far west parait-il. Tu confirmes?
Ouh là! Géographiquement pas des masses (même pas du tout). Par contre y’a des villages dont la position peut faire allusion (genre le village construit sur deux côtés d’une route principale)… Y’a des gens avec des chapeaux de cow-boys, des bottes hautes, des chemises carronnées… Mais pas plus qu’au sud!
Ciao Corinne :-)
Je l’avais oublié : le train Milan – Naples… quelle aventure!!! Même sans lumière! Honteux… décidément honteux :p mais nous sommes quand même arrivés à destination… sans poux ;-) :D
Bisous
Touchant :-)
En espèrant que ta vie amoureuse ne se résumera pas toujours à un »rendez-vous manqué » xx Je te souhaite que du bonheur Corinne!
Comme d’habitude, superbement écrit, rassurant. Commme quoi que sera sera et qu’il ne sert vraiment à rien de s’en faire sinon que d’être normalement prudent. J’aodre ta plume et j’aspire un jour à écrire quelquechose digne d’être lu comme tu le fais si aisément. Au plaisir de te lire encore…
Dominic
Merci :o)
Les séparations à répétition, voilà un des trucs qui me fait flipper à l’idée de voyager! Encore une superbe pièce d’écriture Corinne! Ton truc sur facebook à propos de voyager à l’ai$e m’a aussi beaucoup plu. Merci de partager avec nous. Take care xx
C’est parfois dur, très très dur. Trois personnes avec qui j’ai partagé des moments incroyables sont parties cette semaine, très loin de moi. Il n’y a rien d’autre qu’on puisse faire que chérir l’opportunité qu’ils aient croisé notre chemin au moins une fois dans notre vie.
On apprend toujours à gérer, avec le temps, mais la voie qu’on a choisi n’est pas la plus simple, pour sûr.
Qui sait? J’aurai peut-être un jour à te dire au revoir moi aussi oh la la! :) Je pense être à Chiang Mai deux mois au moins octobre et novembre. Si tu es de retour du Japon, on essaiera de se croiser j’espère!
Merci Corinne pour cette tranche de vie. C’est tres triste en effet, surtout pour M. Tum et j’espere qu’il aura la chance de croiser le chemin d’autres personnes….
C’était un bon type, ce Mr. Tum. Je pense qu’il va lui falloir un peu de persévérance mais qu’il finira par trouver chaussure à son pied ;) En tout cas, moi, je ne vais pas l’oublier!
La chaise fait très »gore » je l’imagine bien dans un film de vampire ou sur la scène dans un spectacle de Ozzy ou de Alice Cooper etc. Ça doit peser une tonne parcontre! Pas évident à ramener en scooter! xx
J’aurais dit qu’ils sont fans de HR Giger par ici en Thaïlande, mais la plupart le connaissent pas en fait. Ils sont très doués pour les créations ‘torturées’ :)
La lectures de quelques frasques amoureuses m’amuseront toujours ^^
J’ai l’impression d’ouvrir le journal secret de ma soeur.
« Frasques », le mot est fort :p
bah, ton sentiment fut soudain et ta réaction n’était pas prévue :) plus sérieusement, je voulais placer le mot pour gagner au scrabble. Mot compte triple en commentaire !
Ouais enfin, pas très extravagant!
Mais bon soit, tu gagnes, moi je déteste le scrabble :D
Dans cette courte parenthèse, triste histoire de vie, je trouve encore quelques lignes pour sourire.
« J’explique à Mr. Tum que les jeunes hommes thaï, ils aiment aussi les jeunes étrangères, mais elles se révèlent souvent trop compliquées, différentes, incompatibles. Et, qui veut d’une fille qui n’est jamais là? Il a raison, moi non plus, je n’ai pas de grandes chances. »
Cela me fait penser à 2 vieilles mamies qui se plaignent de leur rhumatisme. C’est à celle qui aura le plus de problèmes de santé…
Je crois qu’un homme a moins ce genre de problème concernant le fait de quitter les lieux, de quitter les gens. On sait que c’est provisoire, le coeur s’attache moins… ou peut-être est-ce juste moi…
Je ne crois pas que ça ait quoi que ce soit à voir avec « homme ou femme ». Il y a des moments où certaines choses nous rendent plus sensibles, peu importe notre sexe.
Je me suis difficilement sentie aussi seule dans ma vie que lorsque j’ai traversé ce millier de kilomètres d’autoroute et de jungle toute seule (quelques mois après mon un accident de scooter).
Un an plus tard, globalement, si je ne sortais avec personne je me sentais moins seule que si je sortais avec quelqu’un. Je suis allée taper dans l’excès inverse.
Très touchant comme article… Belle histoire de vie, merci d’avoir partagé cette jolie rencontre :)
Merci Julie ;) Tu es en train de lire toutes les romances? <3