Lorsque j’ai enfin trouvé le courage de m’enfuir de Los Angeles, où j’avais passé quatre mois dans une relation extrêmement destructrice, j’ai décidé de tracer autant de kilomètres que je pouvais avec le peu de sous qu’il me restait.
J’allais tout manger des yeux. J’allais poser mon cul sur les sièges les plus inconfortables de tous les transports américains et de tous les états possibles. C’est ma façon à moi de me foutre des claques, de faire du long distance dans l’inconnu. C’est ma drogue à moi de me retrouver en mouvement, de ne pas savoir où je vais, mais d’y aller quand même. À chaque fois, je me dis que si je dois en mourir au moins j’aurais vu un quelque chose de grandiose en plus. Et aux Etats-Unis, en l’occurrence, j’en ai vu de toute les couleurs.
Le voyage a commencé sur un ton très léger et amical, en bonne compagnie entre deux traites de bus à travers la Californie, le Nevada et l’Utah. Et puis je me suis retrouvée seule dans mon moteur de choix: LE train, le California Zephyr, qui m’a fait traverser tout le Colorado. C’est là que j’ai eu l’opportunité de rencontrer les autres errants, ceux que j’appelle les American Drifters dans mes petits récits.
Au final, l’Amérique m’a ouvert grand les yeux, m’a mis face à tout ce que je ne voulais pas savoir. Elle m’a ouvert grand les bras et m’a livré toute sa douleur en pleine confiance. Mais c’était un peu trop pour mes épaules. L’onde de choc m’a déstabilisé et je suis tombée. Aujourd’hui je sais que cette chute était nécessaire pour me permettre de retrouver la force qui me hisse au-dessus des nuages. Ce voyage transcontinental, à tout prix et par tous les moyens, a été ma thérapie, ma source d’espoir, mon échelon de croissance. Et je me surprends parfois à vouloir être née là-bas, où les frontières semblent un peu plus lointaines, hors de vue.