Histoires
d'ailleurs

Mon accident de scooter au Vietnam (et ma perte de mémoire temporaire)

Publié le • Dernière mise à jour:
Février 2011, je crois. Mon amie Kimsa saute dans un avion au départ de la Suisse et me rejoint à Chiang Mai, Thaïlande, pour découvrir mon nouvel univers. Elle ne s’attendait certainement pas à ce qu’il soit si dangereux!

Après moult aventures excitantes (et un petit accident de scooter sans trop de dommages au détour du zoo), nous nous rendons ensemble au Vietnam. À mon tour de découvrir les origines de Kimsa: sa famille habite à la frontière du Cambodge, dans une petite ville en bord de mer nommée Hà Tiên.

Après un an de séparation, les retrouvailles sont belles! Seulement voilà, le voyage a déjà opéré de grands changements et il faut parfois un peu de patience pour l’appréhender comme pour l’expliquer, malgré notre grande complicité. C’est un peu se re-découvrir, c’est fascinant.

Plage de Ha Tien, Vietnam

Hà Tiên, au bord de la plage

Choc culturel de conduite: Thaïlande VS Vietnam

Un matin, nous décidons de voyager jusqu’aux marchés flottants à bord du moyen de locomotion favori des vietnamiens (et de moi-même): le scooter.
Habituée à parcourir de très longues distances sur des routes que je ne connais pas, dans le traffic, sur l’autoroute, sur le sable et dans la boue (la Thaïlande, ça vous forme), trois heures de trajet au petit matin ne m’effraient en rien. Au contraire, à chaque nouveau trajet il y a un quelque chose d’affolant, un brin d’aventure, et je m’en réjouis comme à chaque fois.

Le mode de conduite est cependant très différent de ce que je connais. En Thaïlande, tout le monde est nerveux: on roule vite, on est le premier au feu rouge, on zigzague entre les véhicules: on est au taquet!
Au Vietnam tout semble bien plus ordonné. Certes, il y a une triple file de scooters impressionnante, mais tout ce petit monde est organisé et klaxonne poliment pour avertir d’un dépassement… et surtout, ça roule très lentement: on profite de la vie, du paysage, de la balade quoi.

Un accident de scooter au Vietnam

On se détend au Vietnam, ou bien?

Je me trouve donc coincée dans la file lente à suivre le scooter du frère de mon amie qui me guide. C’est un peu ennuyeux, pas trop de rebondissements… Je me détends, détends, détends… jusqu’à ce que je tombe dans les bras de Morphée.
Je me réveille bien sûr immédiatement puisque c’est plutôt dans la poussière (et tête la première) que techniquement je tombe.

Au réveil, je ne suis pas trop sûre de ce qu’il s’est passé. En fait non, je n’en ai aucune idée.
J’ai autour de moi comme un cercle d’asiatiques plutôt bronzés, arc-boutés au-dessus de ma figure. Ils baragouinent des trucs incompréhensibles et semblent nerveux.
Il fait très chaud. Il y a des palmiers. Mon amie Kimsa est là, elle a l’air effrayée, elle me demande si je vais bien. Le sol est dur. Il y a un scooter par terre. Je ne reconnais pas mes vêtements. J’ai un casque sur la tête. Oh, j’ai dû faire un accident.

Ma maison temporaire au Vietnam

Ma maison temporaire au Vietnam

Projetée dans la 56ème dimension

Je me demande où je suis, parce que ça ne ressemble pas à la Suisse, ni à l’Italie, ni à quoi que ce soit que je connaisse d’ailleurs. Où est-on? Kimsa me répond qu’on est au Vietnam.  Au Vietnam? Comment est-on arrivées là?

Je suis éberluée. Je n’y comprends vraiment rien. Le Vietnam c’est plutôt loin. Elle me dit qu’on a pris l’avion. Oui, mais ça ne m’explique pas comment, pourquoi? Et qui sont ces gens? Je ne reconnais pas le frère de Kimsa, ni son amie.
Elle m’explique qu’on a fait un accident, qu’on va m’emmener chez un médecin. Hm, ça me rappelle quelque chose ça. Oh, je crois que je l’ai déjà demandé mais je n’en suis plus certaine: on est où? Au Vietnam. Hm.

Chez le médecin de village, je suis projetée dans la énième dimension. Je n’ai pas récupéré mes esprits. J’ai l’impression d’être entourée de martiens qui me parlent en martien avec des seringues à la main. Il y a plus rassurant.
Je ne sais plus où je suis. Mais Kimsa est là.
J’ai la présence d’esprit de dire tout haut que je suis allergique à la pénicilline. Je dois faire ça avant qu’on me donne des médicaments, c’est ma maman qui me l’a appris.
Je me sauve apparemment la vie une deuxième fois, car c’est ce que le médecin tenait justement dans sa main.
Après ça, je re-disparais dans une sorte de trou noir dont je ne me souviens pas du tout. Kimsa me racontera plus tard que j’ai crié, pleuré. Ah?

Retour à mon bercail temporaire vietnamien

Puis je suis à nouveau sur un scooter, derrière Kimsa cette fois. Je ne savais pas qu’elle conduisait, elle aussi. Ouille, je suis fatiguée, je ne tiens pas assise. Je m’endors sur son dos pendant qu’elle roule. Je me réveille parfois, je jette un oeil à l’océan, à la route, et aux drapeaux colorés sur les ponts, puis je me rendors.

accident

De retour à la maison, je me jette dans le lit. Ou bien on m’y jette? Je ne sais plus.
Et quand je me réveille, je me souviens de tout, enfin. J’ai comme eu droit à un exemple live de ce que ça aurait pu faire de vivre avec Alzheimer. Ouf.

J’ai temporairement une certaine dose d’années de ma mémoire puisque la seule chose dont je me souvenais, c’était le visage de Kimsa.

Mes pensées sont interrompues par la douleur: ça tape dans ma tête, et mon visage tire et brûle. La réalité physique me rappelle à elle: ah oui, j’ai roulé au sol… Je vais aller constater l’ampleur des dégâts face au miroir.

Ben ça va, rien qui ne se soigne pas. J’aurai peut-être quelques cicatrices, mais compte tenu que j’ai failli y perdre la tête voire la vie, je ne vais pas m’en plaindre.

Bon, qu’on m’amène de la bonne bouffe vietnamienne, que j’oublie ça! Et surtout qu’on me laisse dormir… Beaucoup dormir.

Au village, les commerçants qui me reconnaissent semblent touchés et me font part de leurs meilleurs voeux. « Elle était si jolie, quel dommage! »

Après l’accident

Après l’accident, et la perte de mémoire (retrouvée, heureusement) je me suis beaucoup remise en question. Pourquoi suis-je partie?

Quand on échappe de peu à la mort, il n’y a plus grand chose que l’on ne questionne pas. Mais la grande question, c’est justement « que reste-t-il qui ne mérite pas d’être questionné? »
Et j’ai trouvé que mon départ (ma fuite?) faisaient partie de ces choses là, sur un échelon bien sûr un peu plus inférieur que respirer, regarder, sentir, marcher…

Qu’importe en effet, de l’endroit où nous sommes lorsque l’on se sent avoir les moyens de tout réaliser, voire d’accepter qu’il n’y ait pas forcément quelque chose de précis à réaliser?

Les hommes pensent que le bonheur se trouve au sommet de la montagne alors qu’il réside dans la façon de la gravir.
– Confucius

J’ai eu l’opportunité, l’an passé, d’en parler à une petite conférence amicale à Taïwan (Ignite Taipei) et je vous la présente ci-dessous.

Cet article vous a plu ou vous a servi?
Offrir un café à Corinne sur Ko-fi

Par Corinne Stoppelli

Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?

Rédiger un commentaire?

(25 commentaires)

  1. Finalement, à travers ton expérience, tu poses les questions essentielles que beaucoup d’entre nous se posent, à savoir : « La vie (en général) a-t-elle un sens ? et quel sens donner à la nôtre (en particulier) pour qu’elle en ait un (sens) ? Des questions auxquelles on peut passer une vie entière à essayer de répondre et qui bien souvent n’ont pas de réponse…ou alors bien approximatives.:-)

  2. En fait j’ai remarqué qu’elles changent juste de forme, les questions, au fil des années :p

  3. minh chau dit :

    Bonjour,

    J’espère que votre santé se porte mieux après cet accident. Il faut faire particulièrement attention pour circuler en moto ou en scooter au Vietnam et surtout ne pas se laisser déconcentrer par la faible vitesse… C’est trompeur !

  4. Lucie dit :

    Et bien que c’est effrayant! Heureusement que tu reconnaissais ton ami!! Tu racontes cela tres bien en tout cas!

  5. Mélissa dit :

    Ça à l’air d’être un cliché, l’espèce d’illumination après un évènement qui vous fait frôler la mort, mais c’est tellement vrai. Même si c’était moins dramatique (pas de perte de mémoire, mais une voiture qui m’a foncé droit dessus sans que je ne m’en aperçoive, enfin une paire de seconde avant l’impact, un vol plané et un genou en compte que je suis encore occupée à soigner), tu ne peux que réfléchir… Sur la vie, sa brièveté, sa propre place, ce qu’on a réalisé, pas réalisé, ce qu’on a pas réalisé et dont on réalise qu’on a été cons de ne pas le faire.

    Merci pour cet article, Corinne!

    • Corinne dit :

      Mélissa! J’espère que ça va aller pour ton genou. Oui ça remet bien les idées en place… ce qui ne tue pas rendrait-il plus fort? Je ne suis pas toujours d’accord avec ça mais pour ce genre de situation, indéniablement!

  6. Piotr dit :

    On peut s’endormir sur un scooter ?
    Ah… visiblement, vaut mieux pas. Je m’en tiens aux bus et tuc tuc ^^

    • Corinne dit :

      Haha, j’imagine que c’est assez rare, autant qu’un bus qui prend feu et un tuk-tuk qui se renverse :p

      • Romain dit :

        Je réponds presque 10 ans plus tard moi, qui dit mieux ? mais concrètement, on s’endort bien aussi en voiture, alors pourquoi pas en scooter… le fait est que bien qu’étant proche, le style de conduite Vietnamien n’a rien à voir avec la Thaïlande, et pour les débutants, je ne conseille ni l’un ni l’autre… Pourtant ça reste tellement un classique de se viander en Asie…

  7. Piotr dit :

    Frôler la mort nous donne toujours matière à réfléchir.
    Il n’y a pas de cliché je pense, on prend conscience de notre propre fragilité et de notre irrémédiable fin.

  8. J’ai beaucoup aimé ton intervention Corinne, très juste, très honnête je pense.
    Et je suis vraiment d’acc avec toi: où qu’on soit, on est toujours avec soi :)

  9. Hervé dit :

    Désolé j’en rigole encore comme une baleine de la fin de cet article

    « Au village, les commerçants qui me reconnaissent semblent touchés et me font part de leurs meilleurs voeux. « Elle était si jolie, quel dommage! » »

    :D

    Bon tout fini bien, alors no problemo ;-)

  10. Marion dit :

    Ahah, mon ami et moi avons beaucoup ris en lisant ton article, même si en soit ce n’est pas très drôle… Mais tu as su faire preuve de beaucoup d’humour pour ce récit, et c’est très plaisant à lire ! L’article date sûrement un peu, et je suppose que tu as eu le temps de te remettre de cet accident, donc je te souhaite juste une bonne continuation!

  11. Astrid dit :

    Comme quoi, la conduite trop lente est dangereuse !
    Blague à part, j’ai plongé dans ton histoire !
    J’imagine que tu vas mieux maintenant, t’as même pas de cicatrice…

  12. Je voyage au Vietnam dit :

    « …tout ce petit monde est organisé et klaxonne poliment pour avertir d’un dépassement… et surtout, ça roule très lentement: on profite de la vie, du paysage, de la balade quoi. »

    C’est vrai :D On ne doit qu’apprendre par coeur 2 conseils pour se circuler au Vietnam: conduire lentement et ne faire rien de subite ^^!

    De plus, les circulations au Vietnam a bien améliorées après des année, vous le verrez si jamais vous y retournez voyager ^^!

    Bonne journée du Vietnam!

  13. Julien dit :

    Wow sacrée histoire. J’ai pas mal circulé en scooter au Vietnam avec des copains au début de ma vingtaine. On était un peu insoucients à cette époque et one faisait pas trop attention à comment on roulait. Ton histoire aurait pu aussi nous arriver je pense, on a eu plus de chance…

  14. JeannetP dit :

    Quelle histoire, cela fait réfléchir. Déjà de base j’hésite vraiment les deux roues dans certains pays mais après ton histoire je vais encore plus y réfléchir la prochaine fois que l’occasion se présentera . Merci pour ce retour, c’est bien de ne pas présenter que les points positifs des voyages !:!!

  15. Vanessa dit :

    Salut, j’ai eu un accident en Malaisie avec le scooter. J’aimerais bien lire ton récit de scooter et je n’arrive pas. Je peut uniquement voir la vidéo sur youtube mais pas lire ce que tu as écrit. J’aimerais beaucoup le lire.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.