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Apprendre à conduire (ou survivre) en Thaïlande

Publié le • Dernière mise à jour:
Cela allait faire 7 mois que j’habitais en Thaïlande où, dans le chaos et la pollution, j’avais appris à conduire. Chiang Mai était devenue mon nouveau microcosme, et mon scooter, surnommé pu chai (garçon) m’emmenait partout tel un cheval fringant (y compris au magasin de proximité posé 200 mètres plus loin, question de culture).

Rouler sans permis est irresponsable et dangereux, et les contrôles ont largement augmenté en Thaïlande ces dernières années, donc je ne le recommande à personne. Vive les transports locaux!

Conduire un scooter en Thaïlande

Mon premier rétroviseur!

Mais bien avant ça, je me souviens de mon rêve d’ado, celui d’avoir un scooter. Durant ces belles années, j’avais quelques fois assuré à des amis que je savais conduire, et substitué leur véhicule (sans dommage heureusement).
Ces réminiscences m’ont laissé de vagues souvenirs d’une moi sachant conduire… Mais aussi quelques doutes, plus objectifs, concernant la validité de ces souvenirs.

Tu peux le faire!

Retour à Chiang Mai où mon amie Raquel est toute excitée par l’idée que l’on puisse se rendre par nos propres moyens à Doi Suthep, le temple du sommet de la montagne. Elle m’encourage, pleine de « tu PEUX le faire! » avec un optimisme et un engouement qui l’aurait déplacé, ce fameux temple, du dessus de sa montagne.

L’idée m’excitait, mais j’avais peur, surtout pour elle. Elle m’a cependant rassuré de toute son énergie et m’a dit:

« Tu sais Corinne, parfois, il faut se lancer. Il faut risquer. »

Bon, d’accord alors. Je n’étais en Thaïlande que depuis quelques semaines, que déjà je m’offrais aux expérimentations un peu casse-gueule de l’art thaï très terre-à-terre du « never try, never know« . Je louais donc le scooter de notre liberté.

Conduire un scooter en Thaïlande

Raquel et moi en route vers la montagne.

Je me souviens de chaque instant avec précision: je ne sais même pas comment démarre cette bécane. Le type qui loue les motos me dévisage d’un air suspect et me demande:

« Tu es sûre que tu sais conduire? »
« Oui oui, c’est juste que je… »

Mes derniers mots se perdent dans la distance. Je suis déjà loin et Raquel exulte.

Virages, traffic, gaz…

Conduire un scooter en Thaïlande

Un pneu crevé sur mon scooter. La routine par ici!

Le problème c’est que Chiang Mai, c’est un gros carré: les virages sont tous à 90°. Quant à ma faculté innée à conduire, elle a dû se perdre quelque part entre les années. Le poids du scooter (et de Raquel, pourtant très légère)  m’est très difficile à gérer. Alors pour chaque virage je dois m’arrêter, me repositionner, parfois redémarrer.

C’est un peu la panique aussi, parce qu’on nous a livré le scooter avec le réservoir vide (c’est la Thaïlande, les amis!) et que je suis sensée trouver une station et faire un plein (encore une aventure en vue), mais que je n’arrive rien faire d’autre que de tracer des lignes droites au pif. En plus, je ne connais pas bien la ville du tout. Et comme la ville est donc carrée, elle est aussi pleine de sens interdits partout, et lorsqu’on se retrouve face au traffic, on est coincé, on ne peut que s’y lancer.

Alors j’apprends à gérer les gaz, ma foi. Parce que ça avance, ça s’arrête, ça avance à nouveau, ça s’arrête. Et les gens autour de moi, c’est des malades, il te frôlent et te dépassent à 50cm de tous les côtés. J’apprends donc très très vite à gérer les gaz et ça m’amuse, mais mes bras sont tendus comme des bâtons de ski (assez inutiles dans ces contrées) et la fatigue se fait vite sentir.

« Madame, veuillez descendre de votre véhicule »

Conduire un scooter en Thaïlande

Encore un pneu crevé. La routine, comme je disais.

De retour au coeur de la ville, comble de malchance, je m’arrête pile poil à un barrage policier. Un petit truc de rien cela dit: un seul homme au contrôle mais qui, bien sûr, me fait signe d’accoster. Et là je dois non seulement savoir tourner et me garer mais surtout trouver une idée pour me sortir vite fait de ce pétrin car je n’ai pas de permis de conduire, mais ça je crois que vous l’avez déjà compris.

Je joue la carte de la panique (assez facile quand on est naturellement paniqué, en fait), je prétends qu’on peut conduire ces bécanes sans permis dans mon pays (ce qui était le cas il y 15 ans, dieu comme on vieillit).
Le policier semble très amusé et me demande d’où je viens. Il me sourit façon charmeur et me dit « bon allez, tu peux y aller ».

Merde, comment je démarre déjà? Je me sens me liquéfier, fondre, glisser sous le scooter… Mais Raquel m’encourage encore

Tu peux le faire, Corinne.

En moins de deux je suis de retour, brinquebalante et essoufflée, sur la route.

Prête à gravir des montagnes!

On trouve la station d’essence, on essaie de faire comprendre qu’on veut un plein, ça marche, trop bien! Je commence à prendre de l’assurance. On observe donc notre carte histoire de nous rendre au fameux temple: il semblerait que si l’on emprunte une grosse route bien droite au nord, on sera sur la bonne piste.

Malheureusement la grosse route en question c’est une autoroute (forcément) et on risque de se faire ramasser par un pick-up totalement fou à l’entrée de la bretelle (vous savez, quand on n’a pas de permis à priori on n’est pas sensé trop savoir comment ça marche, une autoroute).
Bref, panique! Trois ou quatre grosses voies, on ne sait pas trop de quel côté se mettre, je me fais klaxonner, j’accélère mais ça craint. Finalement on s’en sort toutes les deux vivantes et se retrouve au pied de la montagne qu’on cherchait.

L’ascension est sympa: plus de virages condensés, tu meurs. Bien sûr les thaïs adorent, c’est la piste de rallye idéale. Moi, j’ai à peine appris à gérer mes gaz à plat! J’ai peur de reculer dans une voiture, un arbre ou une personne. Raquel elle, est ravie! Elle prend des photos, elle chantonne, elle encourage. Moi, j’ai l’impression d’être morte et re-née déjà 4 fois en une seule journée.

Conduire un scooter en Thaïlande

Raquel, enthousiaste comme jamais.

Finalement, temple en vue! L’emblématique Doi Suthep s’offre à nous. On cherche donc une place de parc… et forcément tout est en biais sur la montée; en plus il doit y avoir 3 scooters par personne dans ce pays, donc tout est serré coincé. Bonne chance Corinne!

Par magie je réussis mon parking, mais lorsque j’essaie de sortir de là, je me renverse le scooter dessus et j’essaie de le maintenir de tout mon poids. Ma jambe est écrasée contre le scooter d’à côté et j’appelle à l’aide. Raquel, fluette, n’arrive pas soulever la bécane. La vendeuse du petit stand en face de moi accourt et me sauve, d’un air réprobateur.

« Nous l’avons fait! » s’écrie Raquel. « Tu vois, je t’avais dit que ça vaudrait le coup! »

C’était comme une initiation, un moment très spirituel… avec beaucoup de recul bien entendu.

Les jambes tremblantes, nous attaquons enfin les 300 marches qui nous mèneront au somme de la montagne, au temple… Et puis, il faudra rentrer, mais cette fois, dans l’obscurité.

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Par Corinne Stoppelli

Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?

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(16 commentaires)

  1. Evelyne dit :

    Elle est drôle notre Raquel! Je ne serais pas montée moi! Une chance que je ne vous ai pas vu aller, y’aurait alors fallu que tu fasses des pieds et des mains pour me convaincre de monter « côté » passager! Haha! ;)

    • Corinne dit :

      Je me savais casse-gueule de base, mais qu’on m’y incite en plus, haha. Finalement, elle y a cru et ça a fonctionné. Peut-être sans ces encouragements je n’aurais jamais osé et là… pas de roadtrip et d’escapades quotidiennes au coeur de la nuit!
      Mais je t’imagine bien me dire « mais Corinne attends, c’est super risqué là » :p
      J’aime vos deux mondes de la même manière – un équilibre dans mon déséquilibre!

      • Raquel Enciso dit :

        Recién las leo!!! soy feliz de haber sido parte de esa historia, que me dejó mucho aprendizaje para mí también. Las quiero bellas mujeres!!!!

  2. Lucie dit :

    Ca me rappelle des souvenirs, moi j’étais à l’arrière et mon copain conduisait. Pareil quand le gars qui louait les scooters lui a posé la question il a dit qu’il savait conduire. Il ne s’était même jamais assis sur un scooter: lui il s’est éclaté, moi j’ai serré les fesses les premières fois mais au final pas d’accident :)

    • Corinne dit :

      Haha, c’est marrant la situation inverse. Je me demande si j’aurais préféré ça, que ce soit elle en mode panique plutôt que moi. Certainement ma conduite aurait été meilleure :D
      Bon par contre, une fois le premier bain passé, c’est devenu un jeu d’enfant et un plaisir incroyable à chaque nouvelle virée!

  3. Ah ah ah, j’imagine très très bien ces scènes. Et je pense que je ne l’aurais pas fait, sacrément courageuse la Corinne, et sacrément motivante la Raquel. J’ai pris les mêmes chemins que toi, mais accrochée à l’arrière d’un conducteur averti, et franchement ça m’a suffi! Je passe mon tour pour cette initiation, mais te tire mon chapeau!

  4. Su-Su dit :

    Lors de tes années adolescentes, c’est moi qui étais derrière toi! et je confirme que tu ne savais pas conduire, mais qu’il ne nous est jamais rien arrivé! Je me souviens bien d’un épisode lors de la colo à la Roche d’ailleurs! :-)malheureusement, pas de photo à montrer…

    • Corinne dit :

      Hey Su :) Oui je pensais surtout à ça! Quand j’y repense d’ailleurs je trouve assez fou comment je m’en étais bien sortie :D je crois que j’avais pas mal d’équilibre parce que mon papa avait un scooter à ce moment et que j’allais derrière lui. Je me demande aussi comment Cédric a bien pu me laisser les clefs lol. Quelle confiance!

  5. fabrice dit :

    Attention, pas de moto en tongues hein:-)
    Un jour, je me suis ramassé, cela fait mal…

    • Corinne dit :

      J’ai vu tout plein de gens qu’avaient les pieds et les mollets brûlés. Ils appellent ça un ‘thaï tattoo’ (s’applique à une blessure à moto / un blessure lorsqu’on est saoul / une blessure dans une bagarre) :p

  6. Pedro dit :

    Hello miss, ne pas oublier, surtout, même pour un conducteur aguéri, l’une des choses qui arrivent fréquemment, au milieu de la champagne environnante de partir en conduisant à droite… en tout cas, récit plaisant cette ville me manque parfois … bises Pedro

  7. Guillaume dit :

    Bonjour!! Je suis a Chiang Mai en ce moment. Je voulais louer un scooter mais on m’a dis que sans permis on risquait souvent des amendes et que en cas d’accident c’était tout a nos frais….
    Le policier qui t’as arrêté tu pense que le fait d’être une fille à pu t’aider a t’en sortir sans devoir débourser quoi que ce soit ?

    • Corinne dit :

      Hello Guillaume, en effet tu risques des amendes, et idem, si tu roules sans permis et que tu as un accident c’est en effet à tes frais. Ce que j’ai fait à l’époque (jeune et insouciante) était irresponsable et dangereux, et les contrôles se sont largement augmentés en Thaïlande ces dernières années, donc je ne le recommande à personne! Donc vive les transports locaux :) Bon séjour!

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