Petit catalogue de situations incongrues au coeur de Barcelone
Le paki de Barcelone, définition:
1. Personne, généralement de sexe masculin, vivant à Barcelone et se dédiant à la vente sauvage et souvent agressive de bières en canette à 1€ (toujours fraîche malgré la chaleur). On le reconnaît à son vocabulaire répétitif: « Beer, sexy beer » ou encore « Beer, hash, coke, marijuana ». Exemple: « Les pakis sont vraiment partout, bientôt on les verra vendre des bières à 1€ au sommet de l’Himalaya! »
2. Un magasin de proximité, se dédiant principalement à la vente d’aliments et d’alcool (mais jamais après 23h00). Exemple: « Le supermarché était fermé, j’ai essayé chez le paki du coin, mais il n’ont pas voulu me vendre du whisky car c’était 23h02. »
Etymologie: Paki est un diminutif de Pakistanais mais ici à Barcelone, il ne se limite pas à la nationalité de l’individu désigné. Si tu es Anglais-e et que tu vends des bières à la sauvette dans la rue, tu seras sans doute aussi qualifié-e de paki.
2:42 du mat’ / Raval
Après une soirée à écumer les bar à tapas de Poble Sec, je rentre à pied. Au milieu de ma rue, un mec tout seul avec une raquette et un volant de badminton à la main. Il m’interpelle. Désolée, mais non, je n’ai pas de raquette moi. Va falloir trouver une autre partenaire de jeu.
Après-midi / Plage de Mar Bella
Je me dis qu’aller à la plage de temps en temps, ce serait une bonne idée. J’ai le teint d’une mozzarella. J’opte pour Mar Bella, réputée pour sa population gay masculine: pas de gamins criards, une plage beaucoup plus propre, et pas de reluqueurs lourdauds. À la place, un fort pourcentage d’accros au fitness totalement désintéressé de ma personne. J’avoue que ça ressemble pas mal à la vitrine d’un magasin de bonbons malheureusement fermé. Hey mais, que vois-je? Oh, mon dieu. Oui, il est en train de faire plaisir à son petit copain. Je fais comme si j’avais rien vu.
Vers 21:00 / Barceloneta
Je me rends à Barceloneta pour manger un bon gros steak uruguayen. Je suis prise dans une bruyante manifestation. Je me range sur le côté et j’observe les pancartes. « Touristes, dehors! » « On ne veut plus des touristes bourrés bruyants! ». Ils crient en coeur « Fuera! Fuera! Fuera! » (dehors). Merci pour la bienvenue dans le quartier. Mais je suis très sobre, moi.
Note: À Barcelone, les manifestations font partie du quotidien. J’attends impatiemment, d’ailleurs, une manifestation contre les manifestations.
3:21 du mat’ / Raval
Je suis encore réveillée par un groupe d’Anglais saouls, beuglants et chantants. Leur vacarme est suivi de très près par des insultes espagnol d’un balcon adjacent. Les pshhhht! se relaient de fenêtre en fenêtre. Je me promets de préparer un seau d’eau sur mon balcon pour le lendemain. Mais je n’y mettrai pas d’eau de javel dedans, comme le font certains. Et je ne gâcherai pas d’oeufs, non. Et je ne lancerai pas le seau lui-même ou un pot à plantes avec, ce sera juste de l’eau, promis.
Vers 22:00 / Gotico
Petit coin de rue un peu reculé, on attend un pote. Les pakis sont à quelques mètres de nous, au carrefour entre notre rue et une autre. Discrètement, l’un d’entre eux s’approche et tire d’une bouche d’égoût un sac plastique plein de canettes. Ah, ben voilà comment ils les maintiennent au frais, les bières!
Vers 22:00 / Las Ramblas
Les travailleuses du sexe du coin de ma rue reluquent en silence mon compagnon de fortune en mâchant largement sur du chewing-gum. J’apprécie leur bienveillance à ne pas essayer d’attraper les mecs accompagnés. Enfin, vu l’ambiance sur Las Ramblas en général (qui en excède plus d’un), elles ont peut-être juste peur de se prendre la claque de leur vie. À raison.
20:10 / Supermarché Carrefour du coin du Raval
J’entre en coup de vent et je passe entre un type et l’étalage qu’il regardait. « Vous auriez pu vous excuser mademoiselle, maintenant quand je vais manger tout ça, je serai perturbé par des images de vous ». S’ensuit une espèce de course-poursuite drague entre les étalages qui se termine en un échange de numéro par dépit. Barcelone: la drague jusque dans le supermarché. On tient un concept, là.
4:34 du mat’ / Raval
Je suis réveillée par une dispute à grosse voix entre trois personnes qui se hurlent dessus à la mort. Ils sont curieux à regarder, ils se courent derrière, ils font de grands gestes, on dirait qu’il vont se frapper, mais en fait ils ne se touchent jamais. On dirait une chorégraphie parfaitement organisée. Des « shhh » outragés s’échappent de plusieurs fenêtres aux alentours. Ils avancent trop vite pour se faire asperger, de toute façon. Pour assurer le seau d’eau, il faut tout de même avoir de certains réflexes.
18:30 / Raval
J’ai les jambes qui grattent, bordel. Les moustiques ici ils sont aussi dopés que les fantômes qui traînent dans les clubs, ça déconne pas. Faut dire que s’ils piquent les clubbeurs, ils doivent en avoir dans le corps, de la substance. Ils me droguent malgré moi.
16:00 / El Born
Je prends mon petit café tranquille sur la place et, tout d’un coup, un gros cri, puis deux, trois, quatre personnes qui s’insultent. Tous les preneurs de café des alentours se dressent pour voir: un type essayait de voler un sac à main à une maman. Mais il s’est fait rattraper, empoigner, et insulter un coup avant de se faire relâcher. Les gens ici ne se bagarrent vraiment jamais. Quel self-contrôle. Moi je lui aurais mis un gros pain.
5:21 du mat’ / Raval
Je suis réveillée par les « Oh oui! Oh oui! Oh oui! » rythmés d’une personne (probablement) française en pleine séance de rattrapage d’aérobic. Ah, que la langue de Molière me manquait!
12:35 / Raval
Je rentre d’une très longue nuit. Un coloc’ est rentré plus tôt que moi, avec une foule d’inconnus. Musique à coin, alcool et j’en passe, ils continuent la soirée, ma foi. Rien de nouveau sous le soleil.
Blasée, je pars tenter de dormir (toute seule) entre la techno des colocs’ et la cumbia des voisins de l’immeuble d’en face.
21:00 / Gotico
Trois gouttes de pluie tombent du ciel. Les pakis transforment leurs sexy beers en sexy umbrellas, alors que je me hâte de quitter le centre pour un univers où le repos est possible sans bouchons dans les oreilles. Mais quelle invention ces bouchons, tout de même!
Découvrez les pyramides humaines de la Catalogne
Par Corinne Stoppelli
Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?
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(5 commentaires)
Merci pour la détente de mes zygomatiques Corinne ;-)
Donc je note :
– C’est peut-être toi qui m’as vidé un seau d’eau du Xeme étage sur la tête alors que rentrait dans le garage à vélo de ma collocation à Delft un jour de juillet 1996.
– Ne pas piquer le sac de Corinne, ça peut faire mal !
Avec grand plaisir! Ah… Je m’étais promis de balancer un seau d’eau au moins une fois du temps de ma coloc’ au Raval, mais je n’ai jamais réussi à trouver le bon angle au bon moment. Il faut vraiment de l’entraînement, donc ça devait être quelqu’un de bien plus habitué que moi :p
Quant au sac, c’est clair! J’ai fait de la boxe en plus, dans ma jeunesse. Suite à quoi j’ai fantasmé de casser un nez mais l’opportunité ne s’est pas encore présentée :p
Mes weekends là bas me manquent et tu me rappelles de bons souvenirs dans cet article! :) Merci
ah c cool Barcelone, tout à fait ça ;) merci pour ce billet !
Jusqu’aujourd’hui je n’avais lu que des articles élogieux que la ville de Barcelone. (C’est mon prochain voyage donc je me renseigne). Le tiens est très original, plein de situations cocasses que tu as vécu. J’aime beaucoup ;)