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Le chaos de Barcelone: la cicatrice de La Rambla

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Je m’habitue tant bien que mal au chaos de Barcelone. Le voyage constant a cela de troublant que l’on passe souvent d’un calme ou d’un ennui complet à un univers complètement grisant. On peine à se réhabituer à la tranquillité, on peine à se réhabituer à l’agitation, et puis on recommence, à l’infini. Et quand on est devenu familier avec ce processus de changement, on se retrouve à appréhender la possibilité future de l’un ou de l’autre.

Lorsqu’on se perd dans la vieille ville de Barcelone, on passe en quelques minutes d’une rue prise d’assaut par les touristes et les badauds qui lèvent leur nez et qu’il faut esquiver pour éviter les carambolages, à une rue totalement vide qui respire le calme et la beauté ou alors, de nuit, avec peut-être juste deux ou trois gars louches qui semblent attendre quelque chose.

Un castell à Barcelone

Un castell à Barcelone

« On est loin de Las Ramblas? » Hélas non, tu continues tout droit et tu y es. Au départ, tu les utilises comme point de repère parce qu’elles sont là, comme une plaie béante marquant le milieu des vieux quartiers et ma foi, elles t’emmènent là où tu veux aller.
Tu supportes les vélos qui n’ont rien à faire là et qui manquent de t’écraser, les sifflets constants et dérangeants des vendeurs de rue, les drôles de trucs lumineux à ressort qui sont projetés dans les airs ici et là, les groupes de touristes saouls et beuglants qui te houspillent, les types qui veulent absolument te tamponner le poignet pour t’offrir un accès gratuit à telle ou telle boîte et, pour les mecs, les prostituées qui n’ont pas froid aux yeux et te tirent par le bras et qui, si tu les rejettes, te lancent un « Hey! Are you gay? ».

Et petit à petit tu apprends à t’orienter, à dévier Las Ramblas en empruntant les ruelles un peu plus calmes, de côté. Mais il y a toujours ce moment où tu te retrouves face à elles et même si ce n’est que pour les traverser, tu prends ton souffle profondément et tu te fraies un chemin dans le chaos en espérant que ce n’est pas cette fois-ci qu’on t’arrachera ton sac à main, ou que la glace menaçante du touriste lambda dégoulinera sur ton t-shirt.

Je m’habitue tant bien que mal parce que toute cette chaleur et toutes ces voix, ça ne s’arrête jamais. La vieille ville de Barcelone ne dort jamais jamais jamais. Mais je progresse: petit à petit la foule se transforme en une sorte de mouvement de fond. Petit à petit je m’énerve moins sur les gens qui se plantent sur la route devant moi et je deviens une athlète de l’esquive. Petit à petit je commence à lancer des « Cuidado! » exaspérés aux gens qui manquent de me renverser par leur négligence. Petit à petit je dompte le chaos et je me recrée des qualités oubliées.

Et puis le bordel général de Barcelone a cela de bon qu’il s’y passe toujours quelque chose, on a toujours quelque chose à en dire, à raconter. On pourrait la décrire à l’infini, tellement c’est un univers dans un autre univers.

Lorsque je suis vraiment excédée, je traverse le Raval, le Gotico et j’atterris dans El Born, où je me pose à l’ombre sur les escaliers d’une petite place. J’ai toujours mon carnet avec moi et je fais le vide avec l’écriture, je m’improvise une petite bulle. Je mets tous ceux qui passent dans mes histoires, et il s’en doutent, ou peut-être pas.

De l’extérieur, je me fonds certainement dans le décor. Je deviens une pièce murale de plus à regarder, comme les vieilles bâtisses partout. Je suis un élément improbable, posé là temporairement: la fille qui écrit au coeur du chaos barcelonais.

Alors que je rédige ces dernières lignes, je tourne la tête et surprends une fille en train de me photographier. Je remets la tête dans mon carnet et je la glisse aussitôt dans mon récit. Nous serons toutes les deux les héroïnes inconnues de la petite histoire de Barcelone de quelqu’un d’autre.

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Par Corinne Stoppelli

Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?

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(6 commentaires)

  1. Barcelone est une ville bruyante et très animée,ça grouille de monde, et la ville n’est pas très sûre. En attendant, il y a de très jolis lieux à visiter. Et pourquoi pas s’échapper un peu de la ville et découvrir la Catalogne ?!

  2. chrissand dit :

    Nous partons tous les été à Barcelone, on adore cette ville animée de jour comme de nuit mais plus on vieillit et plus apprécie finalement les villes andalouses comme Grenade ou Séville. On retrouve la vraie Espagne, les traditions, sa culture.
    Si tu as l’occasion de te rendre en Andalousie, tu vas adoré!

  3. Jolieslueurs dit :

    Très joli texte qui caractérise bien l’atmosphère effervescente de Barcelone !

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