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Sur la plage interdite de l’île de Phu Quoc au Vietnam (un peu malgré moi)

Publié le • Dernière mise à jour:
Une petite journée d’exotisme sur l’île de Phu Quoc, au large du Vietnam… du moins, c’est ce qui était prévu.
Bai Kem, plage de Phu Quoc

Bai Kem, l’une des plages ‘interdites’ de Phu Quoc

Après quelques heures de ferry, on débarque nos motos et on se lance à l’aventure. Les routes sablonneuses, caillouteuses et glissantes ne nous rendent pas la tâche facile: on parcourt seulement 15km en deux heures et on arrive épuisés à Duong Dong, apparemment la zone touristique par excellence. On part à la recherche d’un logement, et tout ce qu’on trouve, ce sont des hôtels de luxe, entre 90 et 120$US la nuitée pour une chambre.

Poisson frais grillé à Phu Quoc

Une bonne expérience: les rouleaux de poisson tout juste pêché!

Autant dire qu’on n’avait plus vraiment l’habitude de ce genre de tarifs, ni d’endroits! Seulement voilà, tout est plein, on est épuisés, et on veut faire plaisir à la famille qui nous héberge en leur offrant une belle nuit au bord de la plage: alors c’est décidé, on y reste. Les resorts de Duong Dong sont bien beaux et disposent de toutes les commodités balnéaires – y compris la piscine au bord de la mer, et un buffet de petit-déjeuner qui saura se faire apprécier de toutes les papilles, et ils sont aussi peuplés par une foule d’occidentaux et de riches vietnamiens.

La plage par contre, rien de spécial. On dirait les plages de l’Adriatique en Italie, ou de la Toscane. Je les adore, comprenez-moi bien, mais sur l’île de Phu Quoc, au Vietnam, on s’attendait plutôt à trouver du sable fin et une eau d’azur. La nuit, le marché est sympa, mais rien de très différent de ce que l’on connaît déjà. La nourriture est passable, je mangeais nettement mieux à Hà Tiên.

Le lendemain on décide de plier bagages et de repartir – mais ho! surprise… plus de billets. Ni pour demain, ni pour après-demain, ni pour après-après-demain. Pas convaincus, on se tape toutes les agences de réservation et on finit par trouver 4 billets en slow boat pour le lendemain. Peu importe la vitesse, on veut rentrer.

Plage de Bai Kem à Phu Quoc

Plage de Bai Kem

On s’exile dans un petit village portuaire pour notre nuit suivante, sur une autre côte, sans tourisme cette fois-ci. On nous regarde comme des ahuris. Mes amis ont beau être vietnamiens, ils se sentent eux aussi tout aussi dévisagés que moi…  Marchands, aubergistes, restaurateurs, passants, milice… Tous les quatre avons eu le même ressenti: l’impression d’être contenus dans une prison, et l’envie de déguerpir, à la nage s’il le fallait. Enfin, on est là, on va quand même en profiter – alors on demande à voir la plage du coin.

Malheureusement, la plage du coin, Bai Kem, elle est gardée par l’armée. Alors on ne veut pas me laisser entrer à la plage: ce n’est que pour les vietnamiens. Peu importe que mes amis soient tous vietnamiens: eux ils peuvent entrer, et moi, je n’ai qu’à les attendre dehors. Rien n’y fait. Of course! Si l’un des gardes manque à son devoir il va se faire rapporter illico. Enfin, on trouve une combine – moi je n’ai pas trop envie d’y aller, mais la famille y tient.

Bai Kem, plage de Phu Quoc

Plage de Bai Kem

Un ami de fortune, à l’intérieur, nous fait pénétrer par une autre entrée, mal gardée. L’effort en valait la peine: la plage est sublime, paradisiaque. Le sable blanc est si fin qu’il colle à peine aux pieds. Voilà ce qu’on attendait de Phu Quoc, mais pas vraiment derrière les barbelés. Sur la plage, plein de restaurants à même le sable: on va chercher la prise du pêcheur qui démêle encore ses filets et on fait griller les délices minute de l’océan.

Pêcheur de crabes à Phu Quoc

Le pêcheur de crabes et les restaurants de plage

Personne ne nous dit rien, mais nous sommes regardés comme des oiseaux bizarres, malgré mon accoutrement très vietnamien (je me baigne bien habillée), j’ai une peau très blanche et un visage définitivement pas d’ici. J’espère que le garde à l’entrée, n’aura pas trop de problèmes à cause de moi, et je me rends le plus discrète que possible.

Le soir, mon amie et moi allons prendre une bière. Même scénario: ‘mais que font-elles ici? pourquoi ne sont-elles pas dans le parking à touristes de l’autre côté de l’île?’ Parmi toutes les motos garées à l’avant du bar, ce sont nos deux casques que l’on vole.

De Phu Quoc à Hà Tiên en slowboat

Le slowboat Phu Quoc – Hà Tiên

Dépités, on s’endort comme on peut et le lendemain on saute sur notre bateau. On se rend compte qu’on a payé nos billets bien plus cher que les locaux, mais on relativise, on est passés par une agence, il y a une commission. Enfin, sur le bateau, quelqu’un se plaint que notre billet n’est pas normal et que l’on devra payer un supplément. Décidément, on aura dû bien lutter.

Lorsqu’après 4 heures passées sur ce bateau tanguant, avec de la musique à tue-tête, on aperçoit enfin la côte de Hà Tiên, c’est le soulagement. À Hà Tiên, j’ai beau être l’une des très rares étrangères, je suis accueillie et respectée comme les locaux. Bien sûr, les commérages vont fort – mais rien de bien différent que dans d’autres endroits où l’on a peu l’habitude des touristes: retour à la normalité, en somme. Reposant.

Plage de Bai Kem
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Par Corinne Stoppelli

Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?

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(18 commentaires)

  1. Woods dit :

    Que l’endroit soit peu visité des étrangers je comprends, mais pourquoi est-il « interdit » ?
    — Woods

  2. Corinne dit :

    L’armée garde la plage. Je ne sais pas trop s’ils ont des activités militaires par là-bas ou si c’est simplement dans le but de protéger l’endroit d’une masse de touristes bruyants en bikinis, ou encore de les ‘parker’ plutôt là où tout est plus cher histoire de bien rentabiliser l’île… Plein de possibilités. Mais le fait est que l’accès est interdit à toute personne non-vietnamienne.

  3. Yann Coirault dit :

    Attitude très bizarre. La famille vietnamienne qui t’accompagnait n’a pas d’explications non plus ?

  4. Coucou Corinne !
    J’ai entendu (peut-être par des voyageurs frustrés) que le Vietnam n’était pas très touristes-friendly et que se faire arnaquer et/ou voler des affaires était chose commune. Ta récente expérience va aussi dans ce sens…
    Trouves-tu que c’est le cas au Vietnam plus qu’ailleurs?

    Merci et bon vent!

  5. Corinne dit :

    @Yann ‘Ce sont les règles’ c’est tout ce qu’on a eu comme excuse.

    @Lili
    Je crois que ça dépend où tu vas. Ho Chi Minh, dans la zone touristique du moins, c’est vraiment pas pire que Bangkok et son Khao San Road (= vraiment pesant).
    Dans les villages où ils n’ont pas l’habitude des touristes par contre, ils sont tous curieux et accueillants – par contre très peu d’anglais parlé. C’est vraiment pas plus qu’ailleurs. Là où y’a surabondance de touristes, y’a arnaques et tentatives malsaines qui se créent je crois.
    Il n’y a qu’à Chiang Mai où je n’ai jamais ressenti cela – c’est pourtant bien touristique – mais les prix pratiqués restent les mêmes que tu sois thaï ou farang (à part dans les marchés et les agences de tourisme bien sûr) et personne n’a jamais tenté de m’arnaquer en 9 mois. Je me pose -jamais- la question des prix là-bas, j’ai l’esprit complètement tranquille.
    Là à Ho Chi Minh, je suis vraiment fatiguée: après 2 heures de balade, j’ai dû décliner 45 offres de tous type minimum, certaines plutôt agressives.

  6. sylvain dit :

    Au moins c’est une expérience que l’on oublie pas !
    Pour la plage j’aurais tendance à penser que c’est un mal pour un bien et que c’est justement à cause de ce genre d’interdiction que tu peux dire « L’effort en valait la peine: la plage est sublime, paradisiaque. »
    Le tourisme de masse est destructeur autant écologiquement que culturelement: le jour ou on verra des boués pneumatique à la place des « ghe thùng chài », le jours ou les Viets se baigneront en bikini et lorsqu’on verra des gros yacht a la place des familles V iet qui s’amuse, mange des grillades ou pèche…je crois qu’il sera trop tard. Je préfère me priver et préserver que l’inverse :) Have fun in saigon miss !

  7. Michelle dit :

    hello,
    Désolée que Phu Quoc ne t’aie pas plu, c’est une de mes îles préférées! Sauf que c’est LA destination préférée des Vietnamiens et des étrangers durant le Têt et en février tout est complet des mois à l’avance. Comme lorsqu’on se pointe sur la côte d’Azur un 14 juillet! Le modèle pour Phu Quoc étant Phuket, pour le tourisme de masse en provenance des pays asiatiques notamment, développement en marche dans certaines parties de l’île comme tu as pu le constater.

    La côte est est la plus intéressante pour les plages encore sauvages, on y trouve des coins absolument fabuleux, Bai Sao par exemple.
    Bai Kem est effectivement encore une zone militaire, fermée aux étrangers.

  8. Corinne dit :

    @Sylvain
    Ouais je comprends bien ça et je suis d’accord – mais que toute ma ‘famille’ vietnamienne soit privée pour ça, pas drôle.

    @Michelle
    Yes, c’est vrai, le Têt a pas aidé! Merci pour les liens, ça donne un autre perspective! J’ai un peu de mal avec les destinations où le tourisme surabonde aussi, ça n’a pas aidé. Mais Bai Kem, qu’est-ce que c’était beau :)

  9. fabrice dit :

    Je suis d’accord avec toi Corinne au sujet de HCM, je n’ai pas trop aimé cette ville. Dans l’ensemble,je ne peut pas dire que j’ai adoré le Vietnam, comme d’autres pays. Je trouve aussi que la population est un peu rude, du moins dans les villes.
    Après, je suis d’accord, dans les campagnes,c’est autre chose.
    Chiang Mai est particulier,c ‘est très touristique mais cela reste très zen et les gens gardent le sourire!

  10. Vues de Chine dit :

    Merci pour tes lumières Corinne…

    En tout cas ça me conforte dans mon choix: faut que je fasse un tour dans cette fameuse Chaing Mai :)

  11. Corinne dit :

    Ouais, vive Chiang Mai :p

  12. Stefano dit :

    Bonjour Corinne,

    Merci pour ce poste. Sais-tu qu’à 2 Km après Bai Khem en partant du port de pêche An Thoî, tu aurais trouvé une plage tout aussi belle, Bai Sao, qui pour le coup n’est pas en zine militaire ?

    Quel dommage que Phù Quoc ne t’ai pas plu. C’est pourtant un petit paradis sur terre encore bien préservé du tourisme de masse. Perles de culture, chien de Phù Quoc, nuoc mam, poivre…Il y a tant de choses à y voir et à y faire.
    J’espère que tu auras une nouvelle occasion de t’y rendre et surtout de prendre le temps de la vivre comme il se doit, et ceci avant qu’elle ne devienne un Phuket à la vietnamienne !

    Merci pour ton blog rafraichissant !

    Stefano

    • Hello Stefano,
      Non je ne savais pas :) Je n’ai fait que suivre la famille de mon amie. Il y a mille chose à voir et faire en tout cas, c’est sûr :)
      Par contre moi je l’ai trouvée déjà tellement touristique à l’époque…
      Merci d’être passé, quant à moi j’y repasserai :)
      Bonne route!

  13. Faustin BARTOLI dit :

    Je suis très étonnée de cette expérience sur Phu Quoc. c’est la première fois que j’entends cela mais cela dit pendant la période du têt, il faut éviter le Vietnam….Tous les viets vont dans les endroits touristiques… les services sont plus chers, et de moins bonne qualité….
    En tous cas, Phu Quoc j’adore…

  14. Chère Corinne,

    Je suis tombé par hasard sur ton article de Phu Quoc. Les choses ont beaucoup changé depuis ton périple en 2011. L’ile de Phu Quoc est devenue un gros chantier maintenant. L’État veut la transformer en un Singapour bis, un mixte entre les parcs d’attractions et les resorts. C’est difficile de décrire en quelques mots. Je t’invite à lire mon article, qui explique vraiment les choses cachées dans les média (https://ttb-travel.com/blog/phu-quoc-a-lere-des-bulldozers/)

    Pour répondre à ta question concernant l’interdiction faite par l’armée : spéculation immobilière et collusion avec l’armée dans un système politique corrompue. Au Vietnam, l’armée détient beaucoup de terrains « stratégiques ». Dans certains endroits, les terrains ont une forte valeur touristique, notamment dans l’immobilier. Du coup, les conglomérats vont donner des sous à l’armée pour s’en emparer, et construire plus tard des complexes hôteliers. L’interdiction de l’armée est juste un flou artistique, fait exprès pour rester à l’écart des regards médiatiques. Les choses se sont avérées aujourd’hui.

    • Corinne dit :

      Cher Van Thai, je réponds vraiment tard mais je te remercie pour ce partage et pour tes explications concernant l’armée. Je vois bien ce que tu veux dire pour Singapour, je me suis rendue en 2011 à Sentosa et ça m’a un peu scotchée, je faisais connaissance avec la disneylandisation mais sans connaître encore le mot ;) C’est triste, ce que l’on fait aux gens et à la nature des pays que l’on visite. J’ai parfois honte de tout ce à quoi j’ai contribué sans, la plupart du temps, m’en douter.

  15. Difel dit :

    Etonnant votre récit sur Bai Khem. J’y suis allé en 2022 sans aucun problème. Seul interdiction : aucun véhicule thermique (moto ou voiture) dans la zone, sauf pour les propriétaires et employés des restaurants (travail). Le contrôle ne concerne que ce sujet et non les personnes. J’ai la chance d’avoir des amis qui résident sur place (natifs de l’île) et ils ont acheté une mini voiture électrique rien que pour aller à la plage ! (Bai Khem est la plus proche de chez eux mais à pied c’est quand même un eu long) Ils rentrent et ils sortent sans aucun problème avec ou sans étrangers « nous » dedans. Je pense que c’est plus pour préserver l’environnement et la tranquillité de la plage qu’autre chose qu’autant qu’il n’y a pas beaucoup de place pour le stationnement de masse. Je pense même qu’a l’avenir il faudra se contenter de navettes pour accéder à la plage.
    Concernant les villes « béton », seul An Thoi et Dong Duong sont concernées. C’est plus fait pour les touristes des pays Asiatiques (ceux qui font vivre les locaux) qui recherchent une destination dépaysante sans avoir à aller en Europe. Sur ce côté ca marche bien et j’avoue que je n’ai pas trouvé cela désagréable. C’est certes, loin de l’image que les Européens se font du Vietnam mais, ca participe au mieux être de la population locale : réseau routier grandement amélioré, hôpital et aéroport international etc… Les grands gagnants sont, malheureusement uniquement les locaux qui avaient des terrains dans lesdites zones. Ces nouvelles maisons colorées ne sont pas la portée de toutes le bourses mais dotées d’un grand confort pour celles que je connais (assainissement, réseau d’eau comparable à ce que nous connaissons chez nous). Ces maisons ont d’ailleurs été acheté par des Vietnamiens. Que l’on veuille ou non, je vois d’année en année le train de vie progresser (belle famille et amis) et ceci en simplement 10 ans ! alors que nous et bien… on stagne ou nous régressons sur bien des points (système de santé, retraites, insécurité etc…).
    Il faut avoir en tête que le rêve des Vietnamiens est de vivre à l’européenne ou à l’américaine tout en restant chez eux… et c’est ce que ces villes leur offrent. Je ne vois pas en quoi, notre vison de « l’authentique » devrait leur être imposé d’autant que ces mêmes personnes qui critiquent se gardent bien d’adopter ce mode de vie « authentique ».

    • Corinne dit :

      Merci pour votre partage d’expérience. Cet article a été publié en 2011, ça date donc un peu et il ne serait donc pas étonnant que tout ait drastiquement changé depuis. Tant mieux si tout évolue pour le mieux-être des habitants! J’ai malheureusement perdu contact avec la famille là-bas et n’y suis pas retournée depuis, je n’ai donc pas de nouvelles. Et je suis absolument d’accord avec vous pour la question de l’authentique.

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