Alors comme ça, on fuit?
Tu as honte, tu n’oses pas le dire.
Tu trouves mille façons de te justifier.
Tu es parti pour étancher une soif intarissable de connaissance.
Tu es parti pour mieux comprendre l’Autre.
Tu es parti pour laisser la différence t’enrichir, t’ouvrir les yeux.
Tu es parti pour trouver des réponses à des questions sans réponse.
Tu es parti pour signifier ta révolte envers un système qui ne te convenait pas.
Tu es parti pour ne plus subir de préoccupations pécuniaires.
Tu es parti pour trouver l’inspiration, et pour inspirer à ton tour peut-être.
Tu es parti pour te rendre plus fort, plus courageux, moins timide.
Tu es parti pour mieux te comprendre, à travers l’expérience.
Tu as fui.
Tu n’aimais plus assez ta vie.
Tu ne voyais plus le bout.
Tu te sentais détaché, de tout.
Mais en fait, pourquoi avoir honte de le dire?
Qu’y a-t-il de mal à fuir?
On s’est perdus, durant tant d’années, à la suite des Autres.
On s’est lancés dans leur course sans autre raison que de les suivre.
On ne savait pas trop où était l’arrivée, mais on continuait, on s’essoufflait.
On pensait que la réponse s’offrirait à nous un jour ou l’autre, que l’on comprendrait.
Et puis vint le jour de la Vérité.
Vint le jour où l’on perdit ce qui nous était le plus cher.
Vint et revint ce jour, sans ne jamais se lasser.
Il était vain de lutter.
Alors à quoi bon courir, à quoi bon se presser?
Tu as aussitôt décidé de n’en faire plus qu’à ta tête.
Tu as aussitôt décidé de quitter le peloton, de te perdre dans les sentiers,
(détours pleins d’odeurs, de couleurs, d’inconnues).
Tu as pris la fuite. Et alors?
Nous nous rencontrerons à la croisée des chemins,
Là où errent ceux qui, comme toi, préfèrent aujourd’hui marcher.
Et plus jamais (jamais!) tu n’auras à craindre la solitude.
Par Corinne Stoppelli
Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?
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(19 commentaires)
C’est pas une fuite, c’est la recherche d’un idéal, c’est une quête !
nuance :p
Très beau « poème ». Et puis fuir.. tout est relatif, on fuit tous un peu quelque chose. Que ce soit la société dans laquelle on est née ou nos rêves, chacun doit vivre en accord avec lui même c’est tout.
Merci Alize! Exactement.
La photo est magnifique !
Avant je fuyais en voyageant. Maintenant, je ne fuis plus :)
Merci et bienvenue :)
Ton style poétique est agréable à lire.
Cependant, je rejoins le commentaire précédent dans le sens où on ne peut fuir constamment. Du moins on peut mais faisant cela que nous restera t-il au final?
Personnellement, ça fait presque 3 ans que je suis « en fuite », et j’en suis venu à me demander pourquoi. Certes, le voyage apporte beaucoup et je suis plutôt d’accord avec les points que tu cites. Il y a encore quelques mois, je n’envisageais pas du tout arrêter mais je me suis rendu compte que c’est une quête sans fin: il y a toujours un nouveau plat à goûter, une nouvelle culture à découvrir, un nouveau paysage (soit disant magnifique) à voir, des nouveaux amis à rencontrer puis à qui dire au revoir (à jamais?),…
A force, on devient blasé. Pourquoi faire l’effort d’aller vers l’autre puisqu’on se sépareras le lendemain. Un nouveau magnifique paysage? Ca n’est jamais qu’un de plus…
Je ne dis pas qu’il faille rester dans le peloton ou qu’une échappée en solitaire est négative, mais que quelque soit la route choisie, il est important d’avoir un objectif précis en vue au risque de dériver indéfiniment.
Pour ces raisons, j’ai décidé de rentrer et d’affronter la vie que j’ai voulu fuir.
Hello Cédric,
Tu n’est donc plus à Taïwan?
Je trouve tes questionnements toujours très intéressants.
Que nous restera-t-il à la fin? Rien, mais pas plus ni moins qu’aux autres :)
Et justement, je trouve que c’est exactement à cela qu’il faut s’habituer. C’est peut-être fataliste pour beaucoup, mais pour moi c’est on ne peut plus réaliste.
Il y a une grande différence entre détachement et je-m’en-foutisme, mais psychologiquement je trouve la frontière entre les deux très fine et difficile à identifier. Aussi, il m’est arrivé comme tu le dis de me sentir blasée, de me demander si j’avais perdu ma faculté à ressentir, si j’étais encore, quelque part, humaine.
Et pourtant, on ne perd pas son humanité ;) mais c’est très troublant.
La conclusion cependant est très positive, on devient détaché, on attend beaucoup moins des gens et de la vie en général, et surtout on peut aimer les autres bien plus librement, avec moins d’envahissement et de demandes et je suis persuadée qu’avec un amour détaché on s’approche d’un absolu.
On pense au détriment de cela supprimer la passion et l’intensité de nos vies mais il n’en est rien. On se les laisse vivre désormais avec tout ce qu’il reste de positif. Il n’y a plus cette peur de perdre, il n’y a plus de jalousie, il n’y a plus que ‘rien’, un drôle de sentiment de plénitude un peu inexplicable qui fait que notre place dans le monde est exactement là où l’on se trouve à la minute et que le reste n’a aucune importance.
Mais à part ça je comprends bien entendu ton choix, je pourrais prendre la même décision à tout moment finalement, puisque ce n’est pas l’endroit qui compte.
Choisir un objectif, un but, oui ou non, je pense qu’on peut en avoir beaucoup à travers notre vie, voire rien de précis, mais certainement que cela aide. Choisir le pays dans lequel on va évoluer cela pourrait être comme choisir le background (intérêt purement esthétique) et le niveau de difficulté du jeu auquel on va jouer je trouve ;)
Et finalement bonne chance dans tous tes projets et dans ta vie, et peut-être au plaisir de se croiser!
Je suis toujours à Taiwan pour encore une semaine, puis je rentre.
Je te rejoins sur le fait que l’endroit où on se trouve importe finalement peu. Je ressens simplement le besoin d’avoir des relations plus construites. Ca me parait vraiment difficile si on est constamment « en fuite ». Pourtant, je ne regrette pas, et ça va sonner comme un cliché mais j’ai énormément appris. Je crois juste qu’il faut aussi savoir rentrer.
Merci pour ta réponse, bonne continuation dans ta vie nomade et au plaisir de se croiser ;-)
Non, ça ne sonne pas cliché!
Je comprends bien pour les relations. Cela m’a souvent fait me sentir très seule, jusqu’au désespoir parfois.
J’ai certainement eu de la chance de mon côté, je me suis fait d’excellents amis… qui (malchance :p) sont dispersés aux quatre coins du monde. Des fois j’ai cette fantaisie de pouvoir tous les prendre et les mettre à un seul endroit du globe pour les avoir près de moi! Mais ça ne se fait pas, et je ne voudrais pas leur imposer ça ;)
Enfin, je m’en porte très bien aujourd’hui, je sais où ils sont, et je sais que je (ou ils) peuvent me rejoindre à tout moment. C’est grâce à eux, qui ont appris à dompter la distance avec moi (et on apprend encore tous les jours), que je n’ai plus peur de la solitude.
Encore une fois je te souhaite beaucoup de bonheur! Il y a mille chemins différents…
Sujet passionnant.
Je pense qu’on peut prendre goût facilement à se genre de vie, et même s’il y a des côtés négatifs, il devient difficile d’arrêter. Peut-être y-a-t-une histoire d’habitude?
Les relations, c’est le plus difficile à gérer. Moi, ce qui me manque le plus, ce sont les amis, difficile de construire des relations durables sur la route. En ce moment, j’ai peur de perdre mes amis de longues dates qui sont restés pour finalement que des relations éphémères. Tu n’as pas ce sentiment?
Hello Fabrice!
En fait voyager m’a fait grandir et changer, et par la même, le type de relation qui me convient a lui aussi changé. Certains pourraient penser que je suis devenue insensible, mais c’est tout le contraire.
J’ai appris que le détachement est l’une des plus belles façon d’aimer. Laisser l’autre (et soi-même!) vivre au rythme qui convient… et qui n’est jamais le même.
J’avais des amitiés très demandantes auparavant (les gens attendaient toujours de moi des choses que je ne pouvais pas leur donner, différence de perception et de caractère oblige). En voyage j’ai rencontré des gens de qui je me suis liée (durablement ;) et qui m’ont montré que la distance ne change rien. C’est plutôt la direction dans laquelle on grandit qui compte.
La triste constatation c’est que ceux qui « restent » ont des centres d’intérêt (autant pratiques que… philosophiques) qui diffèrent des nôtres, et cela va en s’accentuant. Ce sont des amitiés difficiles à maintenir, car on les comprend de moins en moins.
Les amitiés se comptent sur les doigts d’une main, c’est toujours vrai, mais elles se renouvellent, pour notre bien comme pour le leur.
Cela n’est pas facile à accepter, mais j’y ai gagné une incroyable légèreté. Je ne me sens plus jamais seule. Bref, ce que tu as l’impression d’avoir perdu ou d’être prêt à perdre, j’ai envie de te dire de ne pas t’inquiéter, car tu le retrouveras, en mieux.
Bonsoir Corinne,
Ce que tu écris me parle totalement et me touche beaucoup. Tout au long de ma vie, je me suis sentie bien surtout dans le voyage. Le quotidien dans une zone de confort m’ennuie. Je me sens tellement différente des personnes sédentaires. J’ai 68 ans, ma vie s’est écoulée entre voyages, déménagements et changements de vie, de relations.
En fait, je remarque que les gens que j’ai rencontrés tout au long de mes voyages sont toujours là, grâce à internet, et lorsqu’on s’écrit, on a l’impression de ne s’être jamais quittés, alors qu’avec les personnes de mon entourage, il me semble être une extra-terrestre. Je me sens profondément nomade, je ne rêve que de départs, j’essaie de trouver un moyen de vivre (financièrement) en voyageant.
Dans ce monde qui bouge si fort à tous les niveaux, devons nous rester fixés, attachés sur un point précis, ou bien suivre le mouvement? Le sentiment de solitude, je l’ai ressenti durant 15 jours au Viet-Nam, face à la mer de Chine. Je me demandais ce que je faisais là. Puis je me suis retrouvée au Laos, et là, j’ai eu la grande joie de me retrouver dans un monastère en train de donner des cours de français à de jeunes moines. C’était merveilleux.
En voyage, j’aime m’occuper, ce n’est pas toujours évident. Comment fais-tu Corinne, pour subvenir à tes besoins? Que fais tu?
C’est drôle, pendant longtemps, voyager me suffisait, maintenant, j’ai besoin de m’occuper utilement (sans trop me fatiguer. Je n’ai pas envie de travailler dans les champs par exemple.
En tout cas, merci de partager tout ce que tu nous offres, c’est tellement agréable !
Bonjour! Merci pour ce beau partage! C’est pareil pour moi, pour mes amis « partout dans le monde », j’ai longtemps eu la même impression (et elle vaut toujours d’ailleurs), mais récemment j’ai compris que j’avais besoin d’un cercle social plus stable, d’être plus entourée, d’être aussi plus disponible pour ceux que j’aime. J’ai donc un peu tout remis en question et je ne me sens plus si nomade que ça en termes de déplacements… Même si j’ai toujours la sensation très forte d’appartenir toujours à une « tribu » de gens multiculturels, de gens qui vivent dans le mouvement. Est-ce que la photographie et l’écriture te plaisent? Longtemps ils ont été mes moteurs (et de parfaits compagnons de voyage)! Je te souhaite de très beaux voyages et instants immobiles!
PS. Tu peux voir ce que je fais sur mon site professionnel.
Vraiment une belle plume
Corinne, j’aime beaucoup tes articles, sur le « vie-nomade’s style »…
Toujours sensible et marqué de ton expérience… Ca transpire la vérité et ça fait du bien :)
Merci Aurélie <3 Trois ans est le temps qu'il m'a fallu pour réussir à "valider" mon style de vie (et moi-même en passant ;) donc je vais continuer de surfer là-dessus!
PS: par contre (désolée de faire ma relou): fuir c’est sans e à la fin je crois bien ;)
Effectivement, c’est une horrible faute :/ Ouille, je crois qu’il faut que je fasse un peu de place dans mon cerveau. Genre défragmentation.