Médiums, pétards et véganisme: le festival végétarien de la Thaïlande
La communauté chinoise est très importante en Thaïlande (elle représente un 14% de la population thaï) et son influence est donc omni-présente. Peut-être avez-vous déjà visité Chinatown à Bangkok? C’est un dépaysement dans le dépaysement!
Le Festival Végétarien, ou le Festival des Neufs Dieux Empereurs, est célébré lors du neuvième mois du calendrier lunaire chinois. L’objectif est d’invoquer les Neufs Empereurs qui président le registre de la vie et de la mort et qui sont représentés chacun par l’une des étoiles de la constellation de la Grande Ourse plus deux, invisibles à l’oeil nu. Les honorer permettrait au peuple d’absoudre ses péchés passés et de se préserver de la malchance.
Le Festival Végétarien est plutôt connu dans la région de Phuket pour sa pratique de l’auto-mutilation (attention, certaines photos peuvent être choquantes). À Takua Pa, je n’ai pu assister qu’à la première journée du festival et je ne sais pas si ces pratiques y ont aussi lieu (compte-tenu du peu de documentation existant sur le sujet), mais de nombreux participants dansaient avec des armes, notamment des fouets.
Pourquoi végétarien? Une terrible épidémie aurait touché la région il y a 170 ans: piqûre de rappel pour les habitants qui auraient laissé doucement couler les anciennes traditions. Après consultation d’auspices, le peuple aurait été incité à se purifier par la pratique du végétarisme, ainsi qu’à réinviter les neufs dieux chaque année, à la date du festival.
Le début des festivités
Le matin, les festivités commencent sous ce porche où, au fond, se trouvent des moines en prière. Une corde relie les moines à une grande table rectangulaire surélevée où ont été déposées toutes sortes d’offrandes dédiées aux moines, aux dieux et aux ancêtres. Car on croit que durant cette semaine, les différents plans spirituels sont ouverts et communiquent entre eux.
En gros oui, il y a des dieux et des esprits qui se baladent parmi nous! C’est un curieux mélange de religions par ici, entre le taoïsme, le bouddhisme et l’animisme: une recette très thaïe à mon sens.
On trouve des choses un peu étranges dans les offrandes, comme des paquets de cigarettes, de l’argent, et des friandises colorées et aériennes, finement travaillées. Toon ma guide, m’explique que ces offrandes sucrées ont toutes des propriétés particulières: le disque est un flotteur, pour la pêche ou pour la circulation en bateau, le nid représente du textile, pour la confection d’habits, et ainsi de suite.
Des gens viennent sous la table rendre hommage à leurs ancêtres: ils allument une bougie et un bâtonnent d’encens dans le sable, puis versent de l’eau autour. L’eau pénétrera le sol, appelant l’ancêtre, qui sera guidé vers le haut par la lueur de la bougie et qui, en suivant la fumée de l’encens, pourra rejoindre les festivités et ainsi être lui aussi absolu de ses péchés passés.
Le long de la table sont alignées des familles qui ont été choisies pour récupérer les offrandes une fois l’incantation des moines terminées. Une partie des biens a été offerte aux moines, mais pour le reste, pas de gaspillage! Aussi, à un signal précis, les familles se rueront sur la table pour se saisir d’un maximum d’affaires (dans une très bonne humeur, c’est un peu comme une loterie).
Plus loin devant le temple, de nombreux hommes (mais aussi quelques femmes!) sont visiblement en transe devant un mât d’arbre symbolique, pour l’instant couché. On devine qu’il sera élevé à un moment donné, mais auparavant, il y a toute une série de préparatifs qui prend place comme la présentation de drapeaux représentant les neuf dieux ou l’incinération de papiers.
Les gens qui dansent avec leurs armes sont des masong, soit des véhicules pour les dieux (ma étant le cheval, en thaï). Il ne peut s’agir que d’hommes purs et célibataires (ne me demandez pas ce que signifie la pureté dans ce contexte!) et de femmes sans famille. Ils sont donc tous possédés par les dieux même. Et ils sont infatigables. Vous pouvez les voir à l’action dans la vidéo!
Au moment où finalement, l’arbre est redressé, on me chasse sans façon et je n’en serai jamais assez reconnaissante: je ne sais pas combien de milliers de pétards ont sauté là! C’était le chaos total pendant cinq minutes qui ont semblé durer une éternité. Les gens ont commencé à se boucher les oreilles et à tenter de fuir, mais c’était coincé partout. Les pétards giclaient sur nos mollets et parfois nous arrivaient à la figure.
De l’autre côté, une ligne de gens sagement rangée derrière ce qui devait être une limite de sécurité un peu plus sage, se sont pris une volée de fumée dans la figure et se sont aussi rapidement trouvés dans un chaos, plutôt de type respiratoire.
Un festin végétarien!
J’ai continué de trembler pendant quelques heures. J’avais du mal à me concentrer sur le magnifique festin végétarien qui nous a été servi ensuite derrière le temple, mais il fallait que je nourrisse ce sens là aussi pour que l’expérience soit complète, alors j’ai fait un effort!
On nous a servi moult petits plats à base exclusive de fruits, légumes, épices. Pas d’oeufs, pas de laitage, pas de poissons, c’était plutôt vegan que végétarien finalement. Et c’était exquis, malgré mon amour pour la viande!
Je sais déjà que la plupart des choses que j’ai mangé là seront difficilement trouvables ailleurs, voire retrouvables.
Et ça c’est la magie toute simple de voyager dans un pays si différent. Demander est difficile, retenir l’est encore plus. On s’accroche donc à la puissance d’un instant pareil et on le vit fois mille afin de le graver dans sa tête, sa peau et ses papilles ad aeternam.
Et sinon, Takua Pa quoi?
Si vous êtes dans la province de Phang Nga hors festival, je vous recommande malgré tout la visite de la jolie vieille ville de Takua Pa qui est comme restée coincée dans le temps.
L’architecture y est d’influence sino-portugaise et thaï (elle était un centre pour le commerce d’étain il y a un siècle) et donc particulière. Elle n’est pas touristique du tout, et vous y assisterez donc à la vie tranquille d’une typique petite ville de Thaïlande du sud, avec en prime, des habitants adorables qui seront ravis de vous la faire connaître.
Les Baba-Nyonya, c’est quoi?
Appelés aussi Peranakan ou Chinois des Détroits, ici ils sont les descendants des Chinois qui sont venus s’installer dans la région pour le commerce de l’étain, au XIXè siècle, mais les différents termes font le plus souvent référence aux descendants des Chinois qui ont émigré en Malaisie Britannique ou dans la péninsule malaisienne en général entre le XVè et le XVIIè.
Ils conservent aujourd’hui leur tradition vestimentaire particulière qui combine un sarong (une jupe faite d’un grand tissu) et de jolies chemises, les kebayas.
Remerciements à l’Office du Tourisme de Thaïlande pour son invitation. Les opinions et choix éditoriaux de cet article me sont propres.
Par Corinne Stoppelli
Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?
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(3 commentaires)
Je ne peux que t’encourager à continuer à faire de la vidéo. Bravo pour cette première ! ;)
Merci Philippe :)
Magnifiques photos et article très intéressant. Tu as dû être impressionnée ! Il est vrai que dans les fêtes thailandaises, on mange toujours beaucoup – et c’est délicieux !