L’île de Siquijor: mysticisme et blackouts
La magie de Siquijor
– Où étais-tu, avant d’arriver ici? Me demande un jeune homme à Manille.
– Siquijor!
– Oh…
Une évidente expression troublée s’affiche sur son visage.
– Les as-tu vues?
Il fait de grands gestes avec les mains. Il parle des lumières. Il paraît que des millions de lucioles s’essaiment autour de certains arbres. C’est d’ailleurs ce qui a donné son nom à l’île, Siquijor, ou l’île de feu: les colons Espagnols auraient été attirés par leur lumière.
Non, hélas, je ne les ai pas vues. Mais il y a tant d’autres choses à y voir, ne serait-ce que l’azur délicat tout autour, les peuples d’oursins et d’étoiles de mer rivalisant pour un peu de place une fois la marée basse venue, les oiseaux multicolores et un brin timides, les pêcheurs traînant leur barge à toute heure, les cris joyeux des enfants curieux mais distants…
Ma retraite sur la plage de cette île choisie un peu au hasard est une première tentative de littéralement plonger dans une vie de rêve: je vais travailler à même le sable, ou plutôt, sur le hamac… avec, à mes côtés, une délicieuse salade de mangue et papaye, un jus de calamondin, et un pancake encore fumant.
… et ses coupures de courant
Mais pas de chance, le courant saute, et avec le courant, la connexion. Inquiète, je m’enquiers de la situation. On ne sait pas. Ici le courant saute tout le temps, sans prendre la peine d’avertir qui que ce soit. Il y a bien un générateur, mais bon, on en a besoin pour la cuisine et la lumière…
Que faire? J’attends une heure, puis deux. Et au final, je n’en peux plus: je suis littéralement au paradis, à m’énerver contre une défaillance technologique. Tout cela n’a aucun sens.
J’enfile mon maillot et je saute à l’eau. Même si sauter n’est pas vraiment le terme approprié: il me faudra d’abord zigzaguer avec attention entre les épineuses bestioles et les immenses étoiles. Je n’ose pas trop m’avancer dans le courant car j’ai un vilain traumatisme: j’ai trop vu d’enfants noyés (deux, mais c’est suffisant).
J’essaie de profiter de ces eaux cristallines qui feraient tant rêver tous mes amis coincés sous les pluies européennes, mais je dois admettre que j’ai du mal: certes, c’est beau, mais baigner dans de la soupe sous un soleil qui pourrait faire cuire des oeufs dans la paume de votre main, ça me paraît plutôt infernal que paradisiaque.
Enfin, j’aurais essayé.
Les sourires de Siquijor
Les jours se suivent paisiblement sur l’île de Siquijor. Je n’ai pas de plan, je veux juste me la couler douce pour le moment. L’endroit est tranquille, on est hors saison touristique. Du coup, je passe mon trop-plein de vacances (ah, les coupures de courant) à faire causette avec l’équipe de mon resort.
De six heures du matin, à dix heures du soir (l’extinction des feux artificiels), Raoul, Eden et Emylou me racontent leur quotidien sur la plage de Sandugan: belles rencontres, expériences étranges, routine mais aussi la douce quiétude de cet endroit.
Ils se disent tous contents de travailler là, car même si le salaire n’est pas celui des européens, ils ont de quoi vivre en sécurité, et surtout, d’aider leurs amis dans le besoin… Parce qu’un ami, c’est le plus beau des trésors, comme le mentionne un aimant coloré sur le frigo du bar.
Après quelques jours de semi-solitude (parce qu’ils faut quand même les laisser travailler), les touristes commencent à affluer: la plupart sont des philippins de Manille qui viennent ici pour la plongée. Mais il y a aussi toute une série de voyageurs à plein temps, comme moi, qui se fichent pas mal de la saison.
Les balades et sorties s’organisent. On va déguster un sizzling sisig (oreille et museau de porc sur ardoise) à Larena, le port de Siquijor. On s’enfuit en scooter, on improvise des barbecues à base de poisson tout juste pêché (notamment, le délicieux vivaneau rouge). Entre rires et pneus crevés, on s’attache les uns aux autres, locaux comme voyageurs.
… et la beauté d’une île
Raoul m’emmène visiter l’île, sur son scooter: on peut en faire le tour en juste une journée. Au menu: églises rustiques, chutes d’eau paradisiaques, papillons de toutes les formes et couleurs…
Et une belle introduction au snorkeling. Moi qui était tétanisée par l’eau profonde, j’ai trouvé un maître en la matière: aussitôt plongée, le spectacle est tant exceptionnel que j’en oublierai toute crainte. J’ai du mal à envisager qu’il puisse y avoir quelque part au monde un endroit plus beau que celui-ci. Raoul pointe du doigt toutes ces créatures formidables que mon oeil novice et excité n’aurait pu déceler.
Sur la plage de Sandugan, l’ambiance finit par se faire un peu lourde: deux garçons semblent s’être un peu trop entichés de moi. Je n’ai pas vraiment pas envie de me préoccuper de cela pour le moment… Et puis, une jeune danoise sympathique s’apprête à partir pour Dumaguete, la ville portuaire.
Je plie bagage. Une aventure différente m’attend avec cette nouvelle compagne de route joviale. Cela faisait dix jours que je traînais mes pieds nus sur le sable blanc après tout, il était temps de passer à autre chose.
Siquijor, le petit guide
Vous aussi avez prévu de découvrir cette île fabuleuse? Découvrez toutes mes bonnes adresses et idées dans ce petit guide dédié à l’île de Siquijor.
Par Corinne Stoppelli
Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?
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(4 commentaires)
C’est super joli, ces paysages vides !
Et le sourire du garçon ! Ca donne du baume au coeur :)
J’aime beaucoup ta façon de raconter ton quotidien là-bas…
L’escapade avec la voyageuse inconnue s’est bien passée?
NowMadNow
Merci! Oui, tout s’est très bien passé, c’était comme de s’improviser une sorte de soeur temporaire le temps d’une semaine ;)
Ca donne vraiment envie d’aller y faire un tour sur cette île mystérieuse… bravo et merci pour tes récits qui me laissent toujours rêveuse…