Anatomie de Bucarest: d’âmes soeurs sur la route
C’est la suite de: Une table pour une, à Bucarest
Je me suis ouverte comme un barrage et j’ai déversé des mots, pêle-mêle. Nous avons discuté de tout et de rien jusqu’à l’heure de son départ.
J’ai attendu patiemment l’arrivée tardive de Lavinia, très prise par son travail de scénariste. Et lorsqu’enfin j’ai pu approcher cette deuxième bouée de sauvetage, j’ai été confrontée au troisième moment sublime de ce voyage (vous vous souvenez? la cathédrale de Cluj, et le cimetière de Sighisoara?).
Je ne sais pas comment, en juste cinq minutes, nous nous sommes mises à parler automatiquement de ces moments de profondeur qui t’en envoient plein la face en te faisant sentir tout petit, de la solitude, du don de soi, de la perte de soi à travers les autres. C’est comme si toutes les découvertes que j’avais faites en deux semaines touchaient à un point crucial de confirmation. En une heure de discussion en tout et pour tout, on terminait nos phrases respectives. Absolument troublant. Une preuve de plus que lorsque l’on suit le chemin qui nous fait vibrer, on rencontre forcément des gens qui ont pris la même direction.
Et puis, déjà à la nuit tombée, j’avais la drôle d’idée que je pourrais vivre ici. J’en ai eu la confirmation le lendemain en traversant la ville à pied de long en large. Il y a un je ne sais quoi dans l’air, l’énergie d’un renouveau. Je sens que Bucarest, encore traumatisée par le communisme, est en pleine renaissance: un départ tardif, mais avec l’histoire des autres (et leurs échecs) en référence pour partir directement du meilleur pied.
Lavinia me raconte qu’il y a peu tout était encore rationné et que la viande était un fait si rare qu’on la prenait comme un don du ciel.
Lorsque je chasse les images, appareil à la main, j’ai parfois cette peur étrange de me faire arrêter. Pourtant, je ne sais pas grand chose du passé de ce pays, mais elle se palpe partout dans l’air, cette vieille odeur de répression pas encore tout à fait évacuée. Peut-être est-ce sa nature de renaissante qui me permet d’empathiser avec elle?
Je crois que dans quelques années, Bucarest sera the place to be pour l’art et les idées, un peu à la manière de Berlin. Et j’aimerais que, main dans la main, nous puissions toutes les deux nous accompagner sur le chemin de la reconstruction.
Bucarest, je sens vraiment que l’on va se plaire toute les deux.
Lire la suite: Radiographie de Veliko Tarnovo
Par Corinne Stoppelli
Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?
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(7 commentaires)
Hi Corinne,
C’est marrant, je suis allé 4/5 jours à Bucarest en 2009 et j’ai toujours eu envie de revenir là-bas pour quelques mois. J’avais déjà ressenti à l’époque ce sentiment que les choses bougeaient, tout le centre ville était en travaux … Ton article me replonge quelques années en arrière.
Vu, que je suis de retour en Europe, je tenterais bien de re-découvrir l’Europe de l’Est et la Roumanie en particulier !
Jolies photos by the way.
-Michael
Hello Michael! Merci :) Es-tu déjà allé à Berlin? J’ai l’impression qu’il y a une énergie commune entre ces deux lieux. En tout cas la Roumanie, outre Bucarest, est une vraie perle qui mérite vraiment que l’on s’y arrête!
Yep, mais durant la saison de Noël et en amoureux. Du coup, un peu de mal à vraiment ressentir la ville …
En tout cas, merci de tes articles, cela donne envie d’aller en Roumanie, peut-être pour 2016 :)
Je n’ai pas dû errer dans les rues de Bucarest avec la bonne personne, car je n’en avais pas retenu beaucoup plus que ce parlement aux allures mégalo et aussi un monsieur très rigolo qui faisait du prosélytisme devant je ne sais plus quelle cathédrale. Bien que peu réceptif à son discours (en Roumain), son sourire et sa bienveillance m’avaient plu.
Haha, il y a beaucoup de bâtiments mégalos, mais c’est sûr que celui-ci est incroyable, surtout dans les brumes, on dirait un bateau fantôme. J’ai trouvé les Roumains très confiants les uns vis-à-vis des autres, ils laissent leurs affaires sur les tables sans peur de se les faire piquer. Plus le net ouvert partout, sans mot de passes ou conditions à accepter la plupart du temps… Ce n’est qu’une première impression bien sûr, mais elle est bonne ;)
Oh Corine! Je suis tellement tombée amoureuse de Bucarest aussi en quelques jours à peine. J’ai senti que j’y vivrais bien, comme Berlin. Qui sait l’année prochaine on s’y retrouvera?
Ouiii! Je ne suis pas encore sûr de ce qu’il va se passer pour moi cette année, mais c’est une des grosses options en tout cas ;) Ce serait un immense plaisir de t’y retrouver!