Israël: J’ai passé une semaine dans un kibboutz et j’y ai trouvé beaucoup d’amour
La vie au kibboutz Beit HaShita
À Beit HaShita, mon kibboutz temporaire, pas de tourisme, juste les gens d’ici. C’est une floraison de baraques, bicoques, maisonnettes et bâtiments utilitaires construits d’une manière anarchique, mais formant un ensemble homogène. À l’honneur, le bois, récupéré, ponsé (pansé!), réarrangé. Car ici, on est maître dans l’art de donner une nouvelle vie aux choses: un réflexe naturel, sans question. Le kibboutz compte aussi une école (avec un parc de jeu tout fait d’une récupération très inventive), un marché et tout ce qui ferait rouler n’importe quel village, finalement.
La maisonnette de l’ami qui nous héberge, est une petite oeuvre de dedans comme de dehors. Artiste de couleurs comme de pratique, son habitation respire son âme, son univers. À son arrivée ici, ça ne payait pas de mine, qu’il nous raconte, mais il y a vu du potentiel.
Notre ami fait un tas de choses à part son art: de la musique, de la réparation et du jardinage, entre autres. Il prépare une petite galerie d’exposition plus loin dans le kibboutz. Je découvrirai plus tard que la norme des gens d’ici semble être de ne rentrer dans aucune case et de développer son sens de la débrouillardise en toute circonstance. Résilience! Je me sens chez moi.
Sous le porche de la maisonnette, on prépare les sacs qui serviront de poids à la tente que nous monterons sur la plage de Dor, sur les bords de la Méditerranée. C’est une madame qui les a tissés en échange d’un service rendu de peinture.
Le soir venu, on prépare un feu dans le jardin, et un par un, les amis s’agrègent. La musique, la bière et les chiens de compagnie suivent le mouvement. Un scorpion noir téméraire s’invitera aussi sous la cuisse de Gilles: résultat, une brûlure similaire à un écrasement de cigarette, et quelques jours de lourdeur et de prurit. Quant au scorpion, vrai survivant, il se fera délicatement reposer un peu plus loin.
Le petit jardin de notre ami sent bon le basilic. Avec les températures, tout ce qui pousse ici semble relever d’un petit miracle, mais c’est plutôt le fruit d’un esprit ingénieux, déterminé, et de beaucoup d’entraide. Comme notre séjour sur la plage durera quelques jours, il appelle son ami Ramon à l’aide pour l’aider à installer un petit ordinateur qui permettra de réguler la distribution d’eau en son absence.
Ramon, un boulanger hors-norme
Ramon c’est le boulanger du kibboutz. Avant de faire ça, il était employé dans le 33ème étage d’un bâtiment à Tel Aviv. Rendu un peu claustrophobe, il a décidé d’apprendre la permaculture au kibboutz Lotan, une communauté dédiée à la protection de l’environnement. Les maisonnettes y sont toutes de terre construite… et vive les toilettes sèches et l’énergie renouvelable!
Après une telle expérience, impossible pour lui de retourner à son bureau. Il était temps de changer de vie.
Ramon fait la rencontre fortuite, mais fort à propos, d’un docteur spécialiste en alimentation qui partage avec lui son rêve de se construire un four en argile. Il ne peut pas le payer, mais il peut partager sa connaissance en échange. C’est comme ça que ça marche au kibboutz.
Ces deux-là finissent par voir les choses en grand et ils lancent un delicatessen, ouvert le vendredi uniquement, dans lequel ils produisent une foule de bonnes choses, dont du pain. Mais victimes de leur succès, ils reçoivent une visite du département de la santé qui leur fera fermer boutique… Il faut dire que leur affaire, c’était un peu du bricolage (encore une fois, dans l’esprit du kibboutz), avec les toilettes à côté de la cuisine, entre autres. On fait avec ce qu’on a!
Bon, Ramon va encore devoir trouver autre chose, encore recommencer à zéro. Mais maintenant, il sait cuisiner. Et il sait faire du pain! Il lance son business avec quelques fours installés à même son appartement. Lean!
Je rends visite à Ramon dans sa jolie boulangerie, qui compte quelques vrais grands fours. Le business va bon train: il délègue aujourd’hui la livraison et la comptabilité à un employé et à son partenaire.
Ce dernier gère aussi le compte Whatsapp de la boulangerie… qui permet aux clients de passer commande. Il suffit d’envoyer un message, et l’on reçoit un menu en retour. On y fait son choix, on communique son adresse et deux jours plus tard, le pain tout frais est livré sur le pas de notre porte.
Quand je demande à Ramon pourquoi le pain, et comment il voit l’avenir il me dit « Tu sais, le pain, ça vend, tout le monde en a besoin! » Mais son ambition réelle se cache dans un frigo, sous le plan de travail: l’élaboration de fromages réalisés à base de fruits secs. Plus besoin de produits laitiers!
Le petit trésor que je déguste est réalisé à partir de noix de cajou, et bien que j’eusse soulevé quelques doutes avant de le déguster (du haut de ma suissitude), mes papilles craquent. Il n’a rien à envier à un « vrai » fromage.
Pour l’instant, Ramon ne dispose pas encore l’infrastructure nécessaire, mais de la même manière qu’il a construit sa boulangerie, il construira sa fromagerie, aucun doute possible. Résilience, nous disions.
Pour en savoir plus sur Ramon et sa boulangerie (et peut-être lui rendre visite?) rendez-vous au bas de cet article!
Pourquoi la noix de cajou? Tout autour d’Israël, durant ces deux dernières semaines, je n’ai que très peu consommé de viande. On dirait qu’elle n’entre pas vraiment dans les moeurs. Au matin, notre ami, nous prépare d’ailleurs un shake dans lequel il ajoute de la noix de cajou et de la banane pour remplacer le lait, et ça fonctionne très bien.
Nir-David, le kibboutz au bord de la rivière
Après la visite de la boulangerie, notre ami nous emmène dans le kibboutz Nir-David, dans la vallée de Beit She’an, certainement l’un des plus beaux et riches kibboutz du coin. Il est construit autour de la rivière Asi, où l’on peut d’ailleurs se baigner dans les eaux calmes. Sa principale source de revenu provient de l’agriculture et de la pisciculture, mais aussi d’autres activités annexes, telles que la fabrication de matière plastique, la location de chambres d’hôte et un zoo.
À Nir-David, après quelques baignades, nous allons prendre un café chez une amie de notre hôte, qui aussitôt qu’elle nous accueille nous propose de nous détendre un coup: il paraît qu’on a l’air tendus. Ben oui, je n’y avais jamais pensé, mais par chez nous quand on entre dans la maison d’un inconnu on devient tout plein de révérence. Il y a des règles différentes dans la maison de chacun, et on veut les respecter. Ici, chez moi, c’est vraiment chez toi, et le respect il va de soi. Et si tu fais faux, on te le dira, tout simplement. Et si tu n’es pas sûr, tu le demandes et on te répondra, tout simplement aussi.
Vivre ensemble, c’est…
Bon, moi je suis un peu spéciale, j’ai besoin d’un espace privé, de beaucoup de solitude. Les interactions sociales trop fréquentes me fatiguent énormément, même si je les aime, même si je les cherche. Il me faut toujours un certain temps pour récupérer, face à une page blanche ou à un sentier isolé. Mais au moment de quitter le kibboutz Beit HaShita, j’ai un pincement de coeur. J’y ai été accueillie comme si j’avais été un membre de cette grande famille.
Soudés et mus par une envie commune de vivre mieux, avec moins de biens mais plus de spiritualité, nos nouveaux amis pourraient faire doucement renaître mon espoir en l’humanité, un service rendu après l’autre, une chanson après l’autre.
Car au kibboutz, une caresse et un regard amicaux et bienveillants ne sont jamais de trop. On le sait tous, l’amour est toujours la solution.
En savoir plus sur Ramon, le boulanger de Beit HaShita
Vous avez envie de rencontrer Ramon, de découvrir ses produits et sa boulangerie? Outre ses pains, il produit aussi d’exquises conserves et pâtes à tartiner à partir de produits locaux. Vous pouvez le contacter (en Anglais!) via la page Facebook de la boulangerie ou encore découvrir son site (qui traite de permaculture et de boulangerie, mais pour ce dernier, il faudra soit savoir lire en hébreu, soit le passer au traducteur). Si vous lui rendez visite, donnez-lui mon nom et vous obtiendrez un hug et une leçon sur le levain gratuitement ;)
Par Corinne Stoppelli
Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?
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(7 commentaires)
Une belle expérience et une belle découverte pour toi !!! Ton article est très intéressant et vivant …
« Bon, moi je suis un peu spéciale, j’ai besoin d’un espace privé, de beaucoup de solitude. Les interactions sociales trop fréquentes me fatiguent énormément, même si je les aime »
Je me reconnais carrément dans ces mots. C’est d’ailleurs ce qui m’a empêché de m’installer avec de supers amis qui souhaitaient monter une communauté en Ariège (et ils m’ont d’ailleurs appris à faire du pain :-) ). On reconnaît le bien que procure un tel système, mais étrangement il y a un certain besoin de distance avec son prochain tout de même, comme pour pouvoir facilement s’en détacher au cas où… une méfiance pour éviter de souffrir de tout ce que l’humain peut faire de mal ? un besoin d’être libre, de pouvoir s’éloigner quand on veut car notre prochain peut être cool maintenant, mais demain, que nous fera-t-il ?
En tout cas pour ma part, c’est ce qui m’empêcherait de vivre dans un kibboutz. Je trouve ça merveilleux, mais par peur de m’engager trop loin avec d’autres que ma famille, ma femme et mes enfants, je laisse ça aux autres. Et pourtant c’est sûrement cette peur et ce besoin de distance qui rend la vie moderne parfois si frustrante et stressante. A travailler…
Ton article est vraiment intéressant. J’aime ça, je viens de découvrir un bout d’Israël. Avant de me connecter, je ne connaissais même pas le mot « kibboutz ».
Salut Mickaël! Je me reconnais aussi beaucoup dans tout ce que tu dis sur la méfiance pour éviter de souffrir. Pour ma part je le ressens même dans les couples que j’ai eus et j’ai l’impression que c’est le fruit d’une (ou plusieurs!) douleur(s) passée(s). J’ai rencontré aujourd’hui une femme des Premières Nations qui me disait que les bisons, quand ils sentent un danger pour leurs membres, il tournent en cercle tous ensemble autour d’eux et cela les rend impénétrables, et qu’un bison qui tournerait tout seul, que protègerait-il? Je pense qu’il y a un équilibre à trouver dans ce qu’on apporte au reste du monde ou à nos proches, en tant qu’individu indépendant, pour nous qui ne pouvons que difficilement envisager la vie dans une telle communauté et que cet équilibre là nous permet d’être impliqué, aussi, mais avec notre entière liberté d’agir (seul), tout en se sentant protégé.
Je me retrouve toujours un peu, quelque part, dans tes récits Corinne.
Un bel article, un endroit dont je n’avais jamais entendu parler, mais qui maintenant me fait envie!
Merci! Bonne journée et à bientôt j’espère,
Violaine.
Thank you for the lovely article, i had to google translate it but i got the idea, hope we see you again…
Roman
Bonjour
Merci de votre article !
N’ayant pas de l’argent pour des stages coûteux,j’aurais plutôt envie de travailler et vivre sur place pour apprendre davantage de la permaculture aux conditions climatiques difficiles..est-ce qu’il y a un moyen ?
Bonjour Sabine! Je vous réponds un peu sur le tard… Je ne saurais pas vous dire, je n’ai jamais vécu en Israël. Avez-vous trouvé des pistes depuis?