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Une grève aérienne, ça ressemble à ça

Publié le • Dernière mise à jour:

Mercredi 25 juin 2014, grève des contrôleurs aériens en France.

C’est l’euphorie dans l’avion qui s’éloigne enfin de Barcelone, après plus d’une heure d’attente et d’incertitude. Le personnel de bord de la compagnie Swiss distribue des délices au beurre extra, à ceux qui en voudraient bien. Si j’avais su ce qui allait se produire, j’en aurais pris un de plus moi aussi.

Après avoir croqué le traditionnel morceau de chocolat aérien (mais cette fois, il est un peu différent), c’est l’heure de mon atterrissage à l’aéroport de Genève. Et je ne peux que constater qu’il n’y a plus un train, plus un bus, plus rien. Je suis coincée jusqu’au lendemain 5:30, heure de départ du premier train.

Chocolat de la compagnie Swiss

C’est la Coupe du Monde!

Une nuit à l’aéroport de Genève, ça ressemble à ça…

  • Il n’y a plus d’hôtels disponibles. Pris d’assaut. Et puis de toute façon, on ne pourrait même plus en réserver un online, car il est passé minuit et les moteurs de recherche sont automatiquement passés au jour suivant. Je maudis la stupide précision de la technologie.
  • Je demande à un membre du personne de l’aéroport s’il n’y a pas un coin sympa pour dormir. Au moins, ça a le mérite de le faire rigoler. Moi, je rigole aussi, mais très jaune. Il me félicite de rigoler. Je le félicite de rigoler aussi. Ceci pourrait ne jamais s’arrêter. Mais bon il n’a pas que ça à faire, lui.
  • L’aéroport est rempli de zombies hagards et soupirants qui, comme moi, frôlent l’exaspération.
  • Des momies font un somme, entassées dans le seul petit coin sombre de l’aéroport.
  • Réflexe de survie n°1: de l’eau. Dieu merci, en Suisse l’eau est potable. Qu’aurais-je fait en Thaïlande… Ah, mais tout aurait été ouvert en Thaïlande! En plus d’une eau en bouteille bien fraîche, je me serais tapé un bon gueuleton. Bon, retour dans la réalité: j’espère juste qu’il n’y ait pas de mitigeur sinon je boirai de l’eau chaude, façon Chine.
  • Réflexe de survie n°2 (pour survivre à l’ennui): les prises électriques de l’aéroport de Genève n’ont désormais plus aucun secret pour moi. Et s’il y a un enseignement que je retirai de cette nuit fabuleuse, c’est bien celui-ci.
  • À 3:30 du matin, les néons s’allument, la musique s’enclenche. Réveil en fanfare! La vie reprend dans l’aéroport. Un peu trop tôt pour le commun des mortels (ça tombe bien, il ne restait que des morts-vivants).
  • Un employé me lance un bonjour! amusé. Moi ça ne m’amuse pas du tout. Je me sens comme une clocharde et je me les gèle. Quand on revient du sud sans même une petite veste, le carrelage froid du sol, on le sent passer. Je me souviens avoir dormi sur un banc une fois, en Thaïlande. Ben au moins il faisait chaud (et j’avais de l’anti-moustique).
  • Je vais me laver les mains aux toilettes et je tombe immanquablement sur ma face: mes yeux sont rouge sang. Merde quoi, j’ai plus 20 ans, ça devrait pas être permis.
  • J’ai faim, je veux un café, j’en peux plus… Je fais le tour du propriétaire l’eau à la bouche, mais rien n’ouvre.
  • Y’en a qui résistent et qui continuent de dormir sous les projecteurs entre le passage des employés à talon qui n’offrent pas une seconde de compassion pour les naufragés en se parlent à tue-tête. Je rigolerais bien de les voir à notre place.
  • J’erre dans les couloirs pour trouver au moins une chaise où m’asseoir… Ah, voilà le seul bar avec des fauteuils… Mais ils ont enlevé tous les coussins, les salauds! Ce sera cul glacé ou rien.
  • Ledit bar se prépare à ouvrir, le premier! Les employés réveillent les endormis comme des animaux, à coups de psst!, claquement de doigts et gros HEY! Surtout, ne pas les toucher, surtout, pas une once de douceur et de considération. Je suis contente d’être restée éveillée finalement.

5:30. Ma nuit s’en envolée. Plus que trois heures et je serai dans un vrai lit. Je m’endors paisiblement dans le train et j’emmerde les grévistes. Non, en fait, j’emmerde le monde. Parce qu’ils y peuvent rien après tout, les grévistes.

Grève, aéroport de Genève

Bonne nuit!

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Par Corinne Stoppelli

Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?

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(3 commentaires)

  1. Robert dit :

    J’ai vécu la même aventure, il y a plus de trois ans. Arrivé à 1h du matin à Genève, plus de 10 heures de retard en raison d’une avarie de l’avion au départ (la compagnie a fait venir un autre avion, ce qui a demandé plusieurs heures). Personne dans l’aéroport, le désert. Mais les passagers de ce vol de nuit s’étaient déjà parlés dans la salle d’attente avant le départ (il faut dire que nous étions peu nombreux) et une belle solidarité s’était mise en place. Ceux qui habitaient dans la région genevoise avaient proposé de loger quelques collègues d’infortune qui pouvaient attendre le lendemain, d’autres avaient organisé des co-voiturages en fonction des régions à rejoindre et avaient appelé les bureaux de location de voiture avant le décollage.
    Comme prévu, nous sommes arrivés après le départ du dernier train, une agence de location était en train de fermer, la jeune femme a accepté de louer les voitures encore disponibles malgré l’heure, le reste s’est passé comme prévu, par groupes. Personne n’a dormi à l’aéroport, nous étions une cinquantaine.

    • Ah c’est super ça! De tous les gens que j’ai vu traîner à l’aéroport cette nuit là, ils avaient tous l’air complètement isolés, comme moi. Y’a eu comme aucune tentative de se mettre en groupe.

  2. Ca me fait terriblement penser à la nuit blanche qu’on avait passée à Berlin, une amie est moi. On avait loupé notre train pour la Pologne (c’était la faute de la gare qui indiquait le mauvais train, pas la notre !) et il n’y avait plus de place dans le train de nuit… Il était aux alentours de 19h, et on était obligées d’attendre la prochain bus, qui partait à 8h le lendemain matin. Du coup, on a passé la nuit à errer dans la gare. Mais en fait, on en garde un bon souvenir : on a pu écrire nos mémoires sur notre séjour à Berlin, et on a rencontré des gens supers cools au McDo, qui était seulement fermé de 2h à 3h, une chance pour nous ! C’était marrant, parce qu’il y avait tous les jeunes qui rentraient de soirée encore éméchés et s’arrêtaient casser la croûte, et puis il y avait tous les zombis comme nous. Seulement nous, on le prenait avec le sourire. Alors on a sympathisé avec des jeunes qui ont beaucoup ri de notre situation, sans tout comprendre (l’alcool et la barrière de la langue n’aidant pas). L’un d’eux nous a laissé des croquis en souvenir dans nos carnets de voyage… Un moment de partage sur la vision de nos pays respectifs, inoubliable !

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