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Tu finiras comme Superman (ou comment se casser le coccyx à cheval, en Galice)

Publié le • Dernière mise à jour:
Lugo, Espagne, été 2007. Petite, j’avais une passion, une seule: les chevaux. J’en dessinais partout, j’en rêvais, j’en possédais des effigies de toute les formes tailles et couleurs.

Seulement, je n’ai jamais vraiment eu l’opportunité de pratiquer. Mes parents étaient quelque peu protecteurs et jugeaient l’activité trop dangereuse. J’ai eu beau me rebeller de toute mon âme, rien à faire. Et puis, les finances aussi, ma foi… Ma mère me dissuadait de monter en me disant que je finirais comme Superman: Christopher Reeve, qui l’incarnait, avait été rendu tétraplégique à la suite d’une chute de cheval.

J’ai pu cependant m’inscrire à un camp scolaire d’une semaine, où je me suis fait passer pour une élève avancée, histoire d’en apprendre un maximum, et les résultats étaient exceptionnels. Il semblait que j’étais formée pour ça, je pouvais littéralement susurrer mes ordres à ma compagne équine (la belle Lola) et ça fonctionnait. Tous les soirs, avant de m’endormir, je me répétais tous les faits et gestes appris afin de ne jamais les oublier.

Dix années s’écoulent et je me retrouve en Galice, Espagne, dans un petit village plus ou moins composé de 40 habitants (dont 36 vaches). La famille de mon compagnon y possédait un agri-tourisme: l’occasion rêvée de m’y remettre.

Equitation en Galice

Près de Lugo, Galice, les chevaux de l’oncle se détendent sur les coteaux…

« Je sais monter ». D’emblée, à l’espagnole, on me balance sur le cheval le plus têtu histoire de vérifier mes dires. Après vérification (ouf, j’ai bien retenu mes leçons!), et au courant de ma passion mordante, on me confie le cheval de tête… Je vais guider la randonnée! Ou plutôt, partir au-devant en solitaire, au galop, comme j’en avais toujours rêvé, dans la montagne sauvage.

Mon équilibre n’est pas parfait, je le sens rapidement. Mais, j’ai soif d’apprendre et de profiter: je fonce. Mon compagnon, qui a aussi un peu d’expérience, gambade joyeusement derrière moi sur son cheval un peu trop petit. C’est l’idylle.

Trois ans plus tard, je suis de retour au ranch familial. Je redemande le bel étalon gris qui m’avait, alors, tant amusé.
« Il ne vaut mieux pas… il est très têtu, il a besoin de courir, il est fougueux. »
« Mais, mais. Je l’ai monté il y a trois ans, et tout s’était passé comme sur des roulettes! »
On n’argumente pas plus. On me tend les rênes.

Equitation en Galice

Mon étalon… Il a l’air sympa non?

S’engage un combat entre moi et la bête. Je n’ai pas l’impression de retrouver le même cheval. Il correspond en tous points au caractère qu’on vient de lui affubler. Je dois le retenir, de force. Il renâcle, sautille, trépigne. Une petite famille de cailles traverse le chemin en terre battue, juste sous ses sabots. Il se cabre. Je maintiens mon équilibre péniblement. Je le laisse aller à ses courses folles, de temps en temps, espérant tempérer ses ardeurs.

Trois heures de duel plus tard, l’étalon aperçoit son étable. Il fonce sur le chemin bétonné, comme jamais. C’est une descente, l’équilibre est difficile à maintenir et je suis si fatiguée. Je cesse de lutter, je m’accroche à la selle, et je prie le dieu le plus probable. Il prend le dernier virage très sèchement. Je vole, littéralement. Je suis éjectée contre le portail et je tombe au sol, sur les cailloux. La douleur est si vive que je perds conscience immédiatement.

Equitation en Galice

Au réveil, ma première pensée est dédiée à… Superman.
Je tente de bouger mes orteils, pour voir… Ouf! ça marche, je suis sauvée.

Je serais bien remontée (sur un autre cheval), mais la douleur est bien trop pénible. Me voilà les fesses à l’air, avec le cousin qui m’y spraie un anti-douleur sous l’oeil inquiet de la famille espagnole.

Au retour en Suisse, le médecin m’annonce, après ce qui ressemblait fort à une fouille corporelle poussée, que mon coccyx est fissuré. J’en aurai pour quelques mois. Six en tout, à m’asseoir partout avec un coussin sous le bas du dos.

À l’avenir, j’essaierai d’apprendre à voler.

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Par Corinne Stoppelli

Je suis Corinne, un petit oiseau libre. Sans domicile fixe depuis 2010, je sillonne la planète à la recherche d'inspiration et de points de vue différents. Sur Vie Nomade, je partage mon regard sur le monde, le temps et le changement, d'une plume sincère et d'un objectif curieux et ouvert. En savoir plus?

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(5 commentaires)

  1. Isabelle Smida Crispin via Facebook dit :

    la dernière fois que je suis tombée, alors que je monte depuis… 40 ans, j’ai eu plus d’une quinzaine de fractures… Finalement, la natation, c’est cool aussi ;-)

  2. 15!! Ma pauvre! Ouais j’aime bien nager aussi… :D

  3. Une seule chose à faire: il faut remonter!!! C’est sûr, tu l’as dans le sang. Il faut que je te présente Obiwan un de ces jours…
    Bisous!

  4. Sirhom dit :

    7 ans après, c’est pas ce qu’on préconise dans ces cas, mais appement ça c’est bien passé:)
    Suite à ton retour en selle en Irlande, tu vas t’y remettre ?

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